De retour en Afrique

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gelenes
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Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 7:41 am

Mise à jour 2022 ;

J'efface de vieux messages plus d'actualité, avant de reprendre le fil.

A ce jour 10 octobre 2022, je suis à 200 m de cette auberge, connue, qui va rouvrir prochainement. Point de rencontre idéal pour les motards qui veulent faire escale au calme, à 150 m de la plage et du poisson frais.

https://www.google.com/maps/dir//AUBERG ... 14.4352499
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Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 7:43 am

D'ici des mois, j'espère reprendre un ancien projet que j'avais démarré au Burkina Faso ; un point permanent avec lits, miam, outils, pour ceux qui roulent depuis la France sur 2 ou 3 roues. Sans enseigne extérieure.

Encore une affaire à régler en France avant de démarrer ça ... :roll:
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Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 7:46 am

Pensez à nettoyer tous vos filtres !

Voici les miens, dans la piaule... :shock:

Image
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Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 7:52 am

A suivre...............
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Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 11:50 am

A suivre...........
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Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 11:53 am

A suivre............
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Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 11:54 am

............................
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 11:56 am

fonctionnaires… AU SECOURS … Bonjour l’ambiance !
Rentabilité, goût du travail, satisfaction du client, ne sont
pas des mots de leur vocabulaire. Je suis très motivé pour
quitter la France, car je ne crois plus à rien ici. Après
l’Afrique, ma deuxième passion est la moto ; La mienne
est vendue, et je pense déjà à la prochaine. Comme à mon
prochain voyage. Dans la boite à images, entre deux
séances de pub, je regarde et écoute avec intérêt Boringer,
l’acteur. Il a demandé la nationalité Sénégalaise. Claude
Brasseur parle de « ses » Dakar et de l’Afrique. La côte
d’Ivoire bouge et l’armée Française est présente avec 2000
hommes. Elle m’appelle ! Je suis comme un marin sans la
mer. J’en parle souvent, à des gens qui ne peuvent pas
comprendre car certains n’ont jamais pris l’avion et
d’autres connaissent tout car à la télé … Dommage pour
eux… Ils me prennent pour un marginal, un aventurier, un
instable, mais parfois j’arrive à les faire rêver, à les
étonner, et là, je suis heureux. J’ai transmis un peu du réel
dans l’irréel ! Faire rêver les gens, c’est magnifique !
Quand tu entres chez moi, tu ne peux ne pas voir le
palmier en bois avec des dizaines de billets d’avion collés
dessus. Chacun de ces papiers est un voyage avec plein de
souvenirs. Ensuite, c’est un peu le musée Africain à
l’Européenne…J’ai essayé d’expliquer cela à Chantal mais
elle ne comprends pas. Je commence à douter d’elle… Si
je suis devenu son homme objet, elle a tout faut ! Peut être
au contraire a-t-elle compris qu’elle me perdra si je pars au
Gabon ? Va savoir… En tout cas, elle n’a pas su
m’apporter la chaleur humaine dont j’ai besoin, et ça les
Africains(es) savent le faire. Les nombreuses photos sur
mes murs représentent des hommes dans leur contexte,
avec souvent une tache blanche à côté ; c’est moi ! Sourire
aux lèvres…
106
Il est à peine 17 heures 30 et le jour nous a quitté. Une
cassette de musique sénégalaise va m’aider à garder la
pêche, comme me dit si souvent mon copain Roger, le
savoyard. Lui, il pense comme moi, mais ce sont les Indes
qui l’attirent. Va pas être facile pour se voir le week-end !
Je consulte internet : Libreville à 7 heures ; 24 degrés.
Temps couvert. Puis je découvre par hasard que Belloc
recrute un Directeur Général adjoint pour le Gabon… à un
salaire trois fois supérieur au mien. Je vais négocier, s’il
me rappelle.
KOSOVO 2003
Les fêtes de fin d’année se terminent. 2 janvier 2003 ;
L’armée Française propose un poste de Chef de cuisine au
Kosovo.2500 repas jours, équipe de 66 personnes.
Pourquoi pas ? La plage n’est pas terrible, mais le salaire
va bien ! 15 heures ; je décroche le grelot et là c’est le feu
d’artifice ! ! ! Une heure plus tard : le CV est arrivé à
Pantin par fax, j’ai un rendez vous le lendemain… Le
moral remonte et j’oublie le vent à 130 km/h et la pluie,
les inondations.
Vendredi 3 janvier ; contact. Lundi 6 ; rendez vous à Paris
pour départ mercredi 8. En quelques minutes, j’ai un billet
de train, mon sac militaire sur le dos, après avoir troqué le
slip de bain contre un anorak, et roule ma poule… Je fais
le point avec Chantal pour quelques détails comme le
courrier, les plantes à arroser et l’organisation de mon
départ. Elle ne percute pas vraiment. Je sais que la mission
est difficile, mais je dois partir. Je ne suis plus le même
homme dès que j’ai un billet de transport dans la poche, et
107
mon toubib le sait. Et puis j’ai des projets en Afrique et
besoin de tunes… Sur ce coup, c’est jouable.
Mon célibat officiel et le besoin de voyages, ma
motivation et mes expériences ont eu raison des recruteurs,
qui ont un besoin urgent et apparemment peu de
candidatures. Mon séjour au Tchad et le passage en
Algérie vont m’aider à décider mes futurs patrons. Je
pense toujours (un peu ) au Gabon, mais cette opportunité
est à saisir. Pour rebondir ensuite.
04 heures 30 du mat : Chantal m’a quitté la veille, aussi,
rangers et sac au dos de 20 kilos, je marche dans la nuit
glaciale pour aller prendre mon train qui doit m’emmener
à Niort où je prends un autre train qui doit m’emmener à
Paris où je dois prendre le bus qui doit m’emmener au
siège où je dois prendre le taxi qui doit m’emmener à
Roissy où je dois prendre l’avion qui doit m’emmener à
Vienne en Autriche où je dois changer d’avion pour aller à
Pristina où peut être quelqu’un m’attends pour
m’emmener à Mitrovica où peut être je vais faire manger
des soldats militaires Français ! Ta tout compris où je
recommence ?
10 heures : Panam. Visite médicale, contrat, papiers, visite
des bureaux avec des louches à serrer, bien que la petite
demoiselle du marketing j’aurais préféré lui faire un
bisou ! Il neige à Paris. Zont même pas de sel et une pelle
à neige pour les trottoirs ! un vrai casse gueule avec mon
sac. Je dors à l’hôtel et trouve très difficilement un taxi à 4
heures du mat pour aller à l’aéroport.
L’air bus a l’air bête dans la neige mais décolle quand
même et se pose comme prévu en Autriche, où personne
ne parle le Français. Vive l’Europe.
108
Le deuxième vol se passe moins bien, puisque nous
tournons au dessus de Pristina, au Kosovo, dans un
brouillard ! ! ! une heure durant le pilote tente l’approche,
puis nous retournons sur Vienne… Aucune explication ni
organisation. Chacun pour soi. Hôtel, taxi, etc… Je trouve
une chambre dans un hôtel du centre ville. Il fait très froid
et la bise n’arrange rien. Je vais boire un verre dans un bar
bondé de jeunes et fais connaissance de journalistes
Norvégiens qui vont aussi à Pristina, mais pour la
quatrième fois. Ils me montreront des images prises lors
d’un voyage précédent, et je comprends vraiment que je
vais vivre des moments forts. Certaines photos sont très
émouvantes, comme le regard de ce petit garçon de 5 ans
près d’une porte cochère où un panneau avec le sigle de
l’ONU indique « défense d’entrer ». Les yeux de cet
enfant crient au secours. Ou bien celle d’un autre enfant
qui reçoit des vêtements que lui donne un militaire
Français. Il le regarde comme un père, comme un père
Noël !
Le lendemain, nous nous retrouvons à l’aéroport où
l’embarquement est prévu à 13 heures. A moins cinq,
toujours sans prévenir, le vol est annulé pour la même
raison. Nous sommes un week-end et personne ne travaille
à la DGEA de Paris. Retour à l’hôtel et décision est prise
de partir lundi sur SKOPJE, en Macédoine. J’arrive à
joindre la dame du bureau de Paris, qui transmet au Chef
de Mission de SKOPJE l’ordre de venir me chercher à
l’aéroport. Je n’ai ni le nom ni le numéro de téléphone de
quelqu’un. Presque plus d’euros, il me reste juste un bout
de plastique bleu marqué VISA. Renseignements pris,
SKOPJE est en Macédoine, entre la Grèce et le Kosovo.
109
Mon homme est bien au rendez vous. Il est près de 16
heures 30 et il m’emmène visiter la plate-forme logistique
avant de me confier à un chauffeur avec un Renault
Kangoo pour aller à Mitrovica de nuit, sur le verglas, et
sans ma carte KFOR qui est le laisser passer indispensable
dans ce secteur. Nous passons la frontière par un chemin
détourné gardé par des casques bleus grecques, et arrivons
vers 21 heures à la base du Maréchal LECLERC , où
personne ne m’attend, pensant que je n’arriverai plus !
Importante base militaire : je devrais attendre le lendemain
pour voir la réalité, dans et en dehors de l’enceinte.
L’état de guerre est bien réel. Partout des militaires, armés,
des contrôles, des patrouilles, des herses, du gros matériel,
des bruits d’hélicos… Je ne souffre pas du froid.
Radicalement opposé de l’Afrique pour le climat, les
petites boutiques fébriles sur les trottoirs me rappellent
pourtant le continent Africain. La propreté des rues
également. La corruption, les très nombreux chômeurs, il y
a certaines ressemblances…
En circulant en voiture de l’armée avec mon laisser passer
tout neuf autour du cou, je vais voir des images fortes, des
souvenirs qui vont me marquer certainement à vie : mon
côté humanitaire transpire, j’ai les larmes aux yeux en
voyant les restes d’une guerre qui sommeille, une guerre
éternelle que l’OTAN stabilise en superficie, et des gens
qui vivent ou survivent d’une manière provisoire.
Kosovskva Mitrovica est coupée en deux, ethniquement et
physiquement. Au nord de l’Ibar, le fleuve traversant la
ville d’ouest en est, se trouvent les Serbes. Sur la rive
opposée, les Albanais.
A quelques kilomètres au nord, Zvecan et son usine de
plomb, source entre autres des discordes qui agitent la
110
ville. Les Kosovars veulent récupérer le complexe
industriel car c’est un maillon manquant pour une
économie autonome. Mais la ligne de « division » du
Kosovo laisse aux Serbes la zone au nord de Mitrovica
jusqu’à la frontière avec la Serbie, distante d’une vingtaine
de kilomètres.
Au rayon des problèmes qui font de la ville une poudrière
en puissance, l’embargo, qui fait des quartiers Serbes des
quartiers où on ne trouve rien et des quartiers Kosovars où
on trouve de tout. CD piratés, faux Lacoste, etc…
Discordes toujours : le « barbecue », monument à la gloire
de Milosevic, qui surplombe la ville., les premières
enclaves de Kosovars sur la rive Serbe… Entre les deux
communautés se trouvent les soldats Français qui filtrent
les passages d’une zone à l’autre et qui régulièrement
tentent de définir l’origine de coups de feu de provocation.
Les voitures immatriculées KS pour le Kosovo ne doivent
pas emprunter le pont car elles n’en reviendraient pas…
Le cimetière à l’entrée de Mitrovica est entouré de
barbelés pour éviter d’être saccagé. Les chiens errants
affamés attaquent et de plus ils ont la rage. Des centaines
de croix blanches indiquent des charniers, et tâches dans
ce paysage, des grosses voitures allemandes circulent sur
l’unique route en état de la province du Kosovo.
Certainement les voitures volées en Europe…
J’ai l’impression qu’il manque une génération de
femmes… Je n’arrive pas à parler de tout cela.
Les quelques heures de sommeil sont perturbées par une
rafale d’arme automatique, dans la nuit et le lointain…
Les blindés de la gendarmerie Française font tourner leurs
moteurs car il fait moins dix et ils doivent être prêts à
111
partir en cas d’alerte. Les chiens militaires qui sont à
quelques dizaines de mètres de nos chambres hurlent. Il
est presque 4 heures et je me lève pour vérifier que les
fours à croissants sont allumés.
J’ai une immense et magnifique cuisine. Une équipe super
de 66 personnes, composée pour moitié d’Albanais et
moitié de Serbes. Beaucoup de femmes, jeunes, et une
seule d’environ quarante ans qui porte sur elle les
stigmates de la guerre. Elle est défigurée. Ces gens
travaillent entre eux, ne mangent pas à la même table, et
s’entre-tuent une fois dehors…
La nuit a été courte et la journée sera longue. Je dois
organiser, vérifier, gérer, courir derrière mes 2 interprètes
lorsque j’ai quelque chose à dire, ce qui me fait perdre un
temps considérable.
Le restaurant ressemble à une belle cafétéria de chez nous.
Nous l’avons transformé en une journée. Les premiers
bidasses arrivent et sont surpris de se retrouver en OPEX (
opérations extérieures ), dans des conditions aussi
confortables. Dans un autre bâtiment en dur, il y a un
super bar, un cyber café et un magasin en détaxe où l’on
trouve de tout : parfums, informatique, lunettes de marque,
vêtements, biscuits, alcools…
Mon bureau n’est pas encore opérationnel et je cavale
entre les bâtiments pour une photocopie ou un
renseignement. Je découvre une organisation totalement
différente de ce que j’ai connu en Afrique, mais le nombre
de chefs décideurs et le principe administratif me pose des
problèmes. Ils me disent bien « Chef » vous faites comme
vous voulez, mais ils me cassent mon organisation. La
112
restauration, que ce soit sur un chantier extrême ou sur une
base militaire, c’est le nerf, j’allais dire de la guerre. Si ton
futal n’est pas propre ou s’il n’y a plus d’eau chaude pour
la douche, ça passe ; mais si tu n’as rien dans l’assiette, ça
ne passe pas. Et dans mon boulot, j’ai trop souvent
constaté que des super- rieurs pensent ( ou ne pensent
pas ) que la bouffe est dans un tiroir. Ceci étant que je
remets d’équerre « mes » grands chefs de Paris qui sont
sur le terrain à me casser les pieds, sans trop s’en
apercevoir !
Mon second qui fabrique les 4 plats chauds ( !) est un
ancien légionnaire et je te remercie Alex de ton boulot et
état d’esprit. J’espère que nous aurons l’occasion de
retravailler ensemble. Quand à l’autre second, Fred,
responsable du froid, je l’ai remis rapidement dans l’avion
car il découvrait l’expat, l’HACCP, (nouvelles normes
préventives d’hygiène ), une base vie, la gestion du
personnel, la restauration collective, le tout dans une
ambiance enfumée d’un produit interdit dans une enceinte
militaire ! Il m’a mis dans la panade, n’ayant personne de
sérieux pour encadrer et former l’équipe des hors
d’oeuvres, qui devait fabriquer plus de 2500 entrées sympa
chaque jour !
Vers 15 heures, un blindé et un camion arrivent devant la
porte du restaurant. Changement d’équipe. Le personnel
qui doit traverser le pont de Mitrovica est accompagné par
l’armée, sinon les risques de « bagarre » sont importants.
Vers 22 heures , lorsque la deuxième brigade de personnel
monte dans ces engins, je suis ému. Les soldats Français
tiennent un escabeau pour que mes jolies petites nanas, qui
ne sont plus habillées en blanc, puissent monter à bord du
Berliet et rentrer chez elles. La dure réalité d’un pays en
état de guerre est là.
113
D’autres partent à pieds dans le froid et la nuit. Ce
phénomène triste donne l’origine de ces gens. Pas besoin
de leur demander s’ils sont Serbes ou Albanais. Ils suffit
de regarder s’ils partent à pieds ou en blindés.
Bien que j’ai connu des moments forts en Afrique, ici,
c’est différent. Emouvant. Ils sont pauvres, sans avenir,
sans pétrole. Ceux qui travaillent, pour 300 euros par
mois, font vivre entre 5 et 10 personnes de leur famille. Et
ils ont le sourire, ne se plaignent pas, et ne font pas
grève… Français, Françaises, voyagez ! mais pas dans des
quatre étoiles avec la boutique de souvenirs à la réception
de l’hôtel ! Ici, l’eau est tellement polluée, que même les
chiens militaires boivent de l’eau minérale ! Chaque jour,
un camion me livre 3000 litres d’eau traitée pour nettoyer
ma cuisine. C’est ça la réalité. J’apprendrais que de
l’uranium appauvri est abandonné dans la nature, et que
l’ancienne usine de batterie, celle où se cachaient les gens
pour échapper aux bombardements, a perdu ses stock
d’acide qui se sont infiltrés dans le sol, polluant les nappes
d’eau. J’ai aperçu une photo, prise par un militaire, d’acide
sur le sol imbibé, les cuves détruites… Je n’ai pu me
procurer cette preuve de la bêtise humaine.
Mes super-rieurs de Paris déroulent le tapis rouge.
Derrière, nous nous prenons les pieds dedans. Je donne de
ma personne ainsi que mon équipe. Le physique va-t-il
tenir ? Non. Un matin, alors que le plus gros du boulot de
démarrage est fait, je reste au lit, pas bien : stress, fatigue,
gastro ? ? ? Je me sens débordé, impuissant, avec une
équipe à emmener qui ne m’a pas vu ce matin. Vers 10
heures, on vient prendre de mes nouvelles. Je décide de
rentrer en France. Alors là, j’allume la mèche ! 5
personnes veulent partir si je pars ! Patrick Alex, ancien
114
colonel jeune retraité et Chef de site, me dit vouloir rentrer
lui aussi et avoir vidé son sac avec les grosses têtes
pensantes. Une heure plus tard, il me montre sa lettre de
démission qu’il fax à Paris.
Le Chef de mission de Skopje arrive et essaie de me faire
revenir sur ma décision. Puis c’est le commandant
commissaire Weitman, puis Marcel Casil, puis un
collègue Chef de cuisine gastro, puis Jean pierre le
responsable boutique, puis Warlet, le civil responsable de
ce bordel. NON ! ! !
Dans l’après-midi, je me lève et vais en ville où je regarde
encore tristement ces gens qui n’ont rien à faire au milieu
de tous ces militaires qui circulent dans leur pays. Mon
interprète m’accompagne à l’agence de voyages pour
réserver l’avion .
Le lendemain matin, je dois partir pour l’aéroport vers 11
heures. Patrick Alex vient me chercher vers 10 heures et
me m’annonce que nous partons immédiatement et
rapidement car la frontière de la Macédoine est fermée et
que des manifestations sur l’unique route sont prévues.
Nous roulons comme des malades pendant plus de 100
kilomètres qui nous séparent de l’aéroport. Il me jette avec
mon sac et reprend la route pour éviter de rester bloqué sur
Pristina. L’ex-président Serbe doit passer devant le
tribunal international ces jours prochains…
L’aéroport est en cours de reconstruction. Il est
évidemment très gardé et je retrouve des casques bleus de
différents pays comme la Grèce, un policier international
Américain armé jusqu’aux dents, et… mes trois grands
chefs de Paris. Ils rentrent aussi et apparemment, bien que
115
déçus de me voir abandonner ma mission, ne m’en veulent
pas. Ils me payent même un café.
Escale à Vienne, sans sortir de l’aéroport, que je
commence à bien connaître.
Arrivée à Paris – Roissy où je n’ai que quelques minutes
pour sauter dans un Airbus Air France, pour une fois
qu’ils ne sont pas en grève !
22 h 30 ; Bordeaux Mérignac.
Chantal arrive avec sa fille et son copain ; à travers la vitre
qui nous sépare de l’arrivée des bagages, je la vois : pas de
sourire, même pas un petit geste de sympathie. Je lui ai
donné un maximum de nouvelles par sms depuis le
Kosovo, j’ai même pu lui téléphoner plusieurs fois. C’est
la première fois que quelqu’un me récupère au retour d’un
voyage… Je m’attendais à mieux.
Sur le parking payant, elle crie car elle ne sait comment
sortir la barrière de péage étant baissée. Je suis mal à
l’aise. Je l’imagine en voyage avec moi… Les qualités
nécessaires pour voyager ne font pas partie de son
monde…
Nous prenons l’autoroute qui nous ramène vers chez elle.
Je suis épuisé. J’attends quelques jours avant de me
prononcer, mais je sais maintenant que je n’ai rien à faire
avec cette femme.
Le lendemain, je défais mon sac et entreprends de
récupérer physiquement . En même temps je fais le point.
J’ai quitté trop vite le Kosovo, à regrets, mais je n’aurais
pu tenir le choc. J’ai encore payé les pots cassés d’une
ouverture et c’est mon successeur qui va bénéficier de mes
efforts. Deux jours plus tard, Chantal revient me voir,
116
alors que j’aurais aimé quelqu’un près de moi à mon
gelenes
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 11:57 am

retour. Le vase déborde. Je lui dis ce que je pense et
considère notre relation terminée. Elle ne comprends pas.
Nos caractères ne vont pas ensemble. Elle pense qu’elle a
trouvé un homme, mais ne se demande pas si l’homme a
trouvé la femme. Je ne peux voyager avec une personne
comme elle. Trop risqué. Elle vient de faire le vaccin pour
la fièvre jaune car je lui avait déjà dis qu’elle n’était pas
motivée pour venir en Afrique. Notre aventure dure depuis
6 mois. Mais elle ne comprend pas et me fait parvenir des
lettres désobligeantes, pleines de reproches… menaçant
d'écrire à mes parents des choses méchantes… Bof…
Je suis en bon terme avec la seule amie si je puis dire,
qu’elle a : en réalité, c’est la femme de son collègue de
travail, depuis plus de 20 ans. J’obtiens donc
régulièrement des nouvelles.
Je relance Belloc pour le Gabon. C’est un enfoiré. Après
deux e-mails, j’obtiens une réponse négative et floue.
J’avertis le PDG de la société que son recruteur emmène
les candidats en bateau. Je n’obtiendrai aucune réponse.
Je recommence donc mes recherches d’emploi.
En Côte d’Ivoire, ça pète. La conjoncture économique
n’est pas bonne et la guerre en Irak couve. Les Ricains
bloquent une situation mondiale pour des raisons
économiques et politiques qui ne concernent qu’eux.
En France, c’est la marée noire à la période du blanc.
Aucune annonce sur le web pour l’Afrique.
Ma caravane est pratiquement vendue. Elle va partir avec
des souvenirs et je n’aurai plus d’autonomie et
117
d’indépendance si besoin. Mais après tout, ce n’est que du
matériel et s’il faut, je pourrais en racheter une.
France Télévision a diffusé un reportage sur l’insécurité
des expatriés en milieux hostiles, notamment sur une base
vie en Algérie et au Nigéria. De quoi freiner les ardeurs de
futurs candidats ! Je ne me pose même pas de questions. Je
suis toujours prêt ! Et puis ces reportages ne reflètent
qu’une partie de la réalité. Les journalistes pensent avoir
été au coeur de l’action en allant à HASSI MESSAOUD !
Tu parles ! J’étais à 957 kilomètres plus au sud, dans le
triangle de feu et là, ils n’y vont pas ! J’ai souvent
comparé la réalité entre les endroits connus et les infos
diffusées par les médias. C’est presque ressemblant. J.CL.
G., journaliste au Nouvel Obs, a écrit : « Comme pour la
guerre du Golfe en 1991, comme pour la Bosnie, comme
pour le Kosovo, les journalistes vont devoir affronter une
période difficile pour la vérité . Ils n’auront d’autres
recours que de commenter inlassablement ce … qu’on leur
cache ». Il parlait alors de la guerre éventuelle en Irak en
2003. C’est identique en Afrique, dans les endroits où je
suis allé après plusieurs jours de voyages vers le bout du
monde. Mais c’est tellement passionnant, avec cette
Afrique envoûtante et cette réalité si dure quelque fois,
que j’en oublie les recommandations de mes toubibs… La
santé m’ennuie, c’est vrai, mais mon meilleur traitement,
au risque de me répéter, c’est le départ pour un nouveau
voyage qui sera toujours une source de bonheur et de
souvenirs.
J’ai retrouvé un boulot en France pour le Village de
vacances du CNRS dans l’île d’Oléron, à compter du 15
mars, pour 6 mois. A 35 heures la semaine, je vais pouvoir
me refaire la santé en attendant mieux. Pas très motivé, car
118
je vais devoir gérer des jeunes à l’économie pour servir
une clientèle de planqués.
Je téléphone à Paris à la DG de l’économat des armées, car
ils me doivent de l’argent et il y a plus d’un mois que je
suis de retour.
Je parle avec Monsieur Warlet qui me dit que je suis parti
un peu vite. Que tout va bien maintenant au Kosovo, du
moins à la base où j’étais. Il me demande de faire le point
et même si je veux le rencontrer à Pantin. Tiens, bizarre. Je
le cuisine un peu, et il me dit avoir été content de mes
services et me demande si je suis intéressé pour un poste
éventuellement en Mai, toujours au Kosovo, dans une base
plus petite, environ 400 personnes, comme Gérant – Chef
de site. Sur le principe je suis d’accord. Il doit contacter le
commissaire Weitman qui est en Allemagne jusqu’au 5
mars et me tenir au courant. Mes douleurs du dos, d’ordre
psychosomatique, pourraient bien disparaître !
Je fais rêver par ma vie de saltimbanque, mais ne
correspond pas à l’homme idéal. Je pense à ces jeunes
femmes que j’ai à peine connues au Kosovo. Mentalité
différente, pas exigeantes, gentilles, serviables, et pas
vraiment intéressées comme la plupart des femmes
Africaines pour venir en France. Il va falloir que je
réfléchisse à tout cela. J’aurais bientôt cinquante ans, et je
commence vraiment à avoir envie d’une compagne qui me
suive et partage plein de choses avec moi. De là à me faire
emmerder par une qui veut le beurre, l’argent du beurre et
la crémière…
J’obtiens des nouvelles de mes parents par personne
interposée : Chantal a osé leur téléphoner et a raconté
n’importe quoi… par déception et pour me faire du mal !
119
Son QI ne semble pas très élevé. Je suis déçu et réconforté
dans ma décision de l’avoir quitté. C’est vraiment
dommage pour mes vieux parents qui se morfondent et
prennent pour argent comptant les propos d’une femme
qu’ils ne connaissent pas.
Ce matin du début du mois de mars 2003, la fenêtre est
ouverte et le soleil entre dans mon studio. Le printemps
arrive et de plus j’ai une autre proposition pour gérer un
camping sympa près de chez moi. Cela me donne
maintenant le choix pour passer la belle saison en France
et mettre un peu d’argent de côté pour repartir en Afrique
à l’automne.
Nous sommes à une semaine de l’ultimatum américain
pour attaquer l’Irak. J’ai contacté Paris. Je ne repartirai
pas au Kosovo comme je l’espérais, en mai. Je suis déçu à
nouveau, bien que les grands chefs m’ont laissé un vague
espoir pour une future mission. Je vais donc faire une
saison d’été en Charente maritime, ce qui devrait m’aider à
me soigner, car si les analyses médicales sont bonnes, je
ne suis pas en forme. A chaque fois que je reviens en
France, les mêmes symptômes reviennent. Je n’accepte pas
ce mode de vie, bien que je parle avec de nouvelles
connaissances pour me soulager de ce malaise d’être ici !
Les gens pensent que je suis un peu fou d’aller à l’étranger
en ce moment, tous se plaignent de la vie qui devient
difficile, du climat social et politique. Ils ne réalisent pas
qu'en ce qui me concerne, ma vie est ailleurs. A l’inverse
de cette foule que j’ai rencontré au marché ce matin, ce
troupeau de citoyens imposables ou Rmistes, bien que je
respecte les Rmistes car j’en fait partie et sais ce que c’est.
Comme je l’ai souvent dit, personne ne viendra taper à
leur porte avec un billet d’avion à la main. On se fait la vie
que l’on veut bien se faire. J’ai choisi cette vie de
120
saltimbanque, comme d’autres choisissent d’élever des
chèvres en Corrèze.
Jean Amadou a donné une définition du saltimbanque qui
me plaît bien :
« Le saltimbanque est une femme ou un homme qui
choisit l’insécurité. Qu’il soit chanteur, peintre,
philosophe, comédien ou écrivain, (il a oublié
cuisinier ! ), il se remet en question à chacune de ses
oeuvres. Si le public le délaisse, il n’existe plus. Le
saltimbanque peut être désinvolte ou féroce, sérieux ou
ironique, il peut se tromper et cette erreur le conduire
au peloton d’exécution, il peut même se suicider s’il
n’estime n’avoir plus rien à dire comme Hemingway.
Son oeuvre est un témoignage. Il sait à merveille
contourner les lois établies par les princes. »
Je suis exactement un saltimbanque…
Je continue mes recherches pour partir après l’été…
Partir, l’important c’est de partir. J’étouffe dans mes trente
mètres carrés. C’est mon refuge, et ma tranquillité en cas
de soucis de santé ou matériel. J’ai beaucoup apprécié ma
vie de nomade en caravane depuis presque deux ans, mais
la mauvaise saison et le manque de place commençaient à
me peser. Et puis, bien que cela soit rarement arrivé,
inviter une nouvelle conquête en caravane en hiver, à 60
mètres du bloc sanitaire, lorsqu’il pleut, à 2 heures du mat,
ce n’est pas tout à fait le pied ! J’avais beau leur dire «
avec Bernard, c’est le panard ! », certaines n’étaient pas de
cet avis !
12 Mars 2003 : Je regarde le journal télévisé régulièrement
car le climat politique et diplomatique n’est pas bon ; les
Américains veulent attaquer l’Irak et toutes les excuses
121
sont bonnes pour repousser les solutions de paix. Le
premier ministre Serbe vient de se faire dégommer, et
comme il n’y a pas de Président pour l’instant, cela
promets de belles journées en perspectives… En Côte
d’Ivoire, il y a un semblant de mieux et un nouveau
gouvernement serait mis en place… Je dois suivre
l’actualité internationale pour ne pas me mettre dans un
guêpier…
Je viens de répondre à une annonce comme cuistôt en
Mauritanie. « On » cherche un cuistôt prés de la retraite,
avec 30 ans d’expérience ! J’ty jure c’est vrai ! On va bien
voir…
Mars 2003. Les Américains attaquent l’Irak. Le monde
entier tourne au ralenti en attendant la suite des
événements. Je viens de prendre mes fonctions aux
villages de vacances du CNRS dans l’île d’Oléron, pour 6
mois. Toujours rien sur l’Afrique pour l’instant. Je vais
donc faire la saison et envisage de partir au Sénégal à
l’automne. Sauf opportunité d’ici là ! La moto me manque
terriblement mais je dois faire un choix. L’Afrique ou la
moto en 2003… J’étudie les possibilités de cultiver des
légumes pour les exporter, depuis le Sénégal. Ce jour 3
avril 2003, les fonctionnaires sont dans la rue pour leurs
retraites. Je ne trouve pas de personnel pour faire la saison
dans le village de vacances, les commerçants se plaignent,
et durant ce temps, les Américains arrosent de bombes de
pauvres gens en Irak.
L’armée Française ne m’a toujours pas payé le solde de
mon séjour au Kosovo. L’argent disparaît à vitesse grand
V, alors que je pourrais être heureux avec mes amis
Sénégalais et quelques francs cfa seulement. Le moral est
tellement bas, que mon toubib me fait faire des analyses
qui ne donnent rien. C’est seulement de la déprime. J’ai
122
bien essayé de rencontrer des gens, mais je viens d’une
autre planète et deviens agressif dans mes discussions.
Oléron : L'île est déserte et je me retrouve seul, nettoyant
des locaux laissés sales depuis la dernière saison. Le Chef
de Village qui se dit « directeur » est un sale con comme
dirait Roger l’imprimeur ! La tension monte entre nous et
les premiers clients arrivent alors que je n’ai pas de
personnel et passe mon temps à faire et refaire des
plannings de personnel qui seront toujours faux ! Personne
ne reste ici ! Salaire, organisation « usine à gaz », un dirlo
qui se prends pour le bon Dieu… Je dois faire six mois
comme salarié en France pour remonter les compteurs des
organismes sociaux mais cela s’annonce difficile !
Un mois après mes débuts, le conflit dégénère et je suis
mal dans ma peau et ma tête : le toubib me suspend de mes
fonctions pour trois semaines… Je pense toujours et
encore à l’Afrique et vais pouvoir ainsi me reposer
moralement et continuer mes recherches. Si le nerf de la
guerre est l’argent, je suis à sec et n’ai plus rien à vendre.
Je me suis offert un youyou du Sénégal qui me tient
compagnie… Le temps passe et l’été arrive alors que je
n’ai rien en vue. La santé est fébrile et je pense partir à
l’automne mais matériellement c’est impossible dans l’état
actuel des finances. Chaque jour, j’attends le facteur en
espérant avoir une réponse pour un pays où les gens sont
noirs !
Juillet 2003 : le téléphone sonne enfin et j’obtiens un
rendez-vous à Paris pour prendre la direction d’un hôtel
restaurant à Conakry, en Guinée. TGV, métro, l’habituel
scénario. Il fait une chaleur torride sur la France et Paris
est en France !
Boulevard Saint Germain… Mon contact est bien là. Je
sonne et la propriétaire du restau africain m’ouvre.
Comme je m’en doutais, elle doit être d’origine libanaise
123
et son ami également. Sans m’avoir proposé un verre
d’eau, les débats démarrent dans le style monologue. Je
n’arrive pas à en placer une, mais apparemment je les
intéresse et nous ne sommes que deux a avoir répondu à
l’annonce. Le salaire est bas, pas de contrat et ils me
demandent de payer mon voyage ! A cet instant, j’ai envie
de me lever et de partir. Je dois retrouver un ancien
collègue du Tchad à Beauvais pour passer le week-end.
Mais l’envie de repartir en Afrique, à l’année, est forte et
je reste assis dans ce luxueux appart qui est probablement
le fruit de l’exploitation des hommes…
Je demande une réponse rapide car j’ai cru comprendre
que le départ était possible début août, soit quelques jours
plus tard. En réalité, il n’y a pas de réponse éventuelle
avant plusieurs semaines. Certains propos de mon
interlocuteur me font réfléchir et je quitte ces gens sans
savoir ce que je vais faire ; je hume l’arnaque, nombreux
candidats ayant fait demi tour depuis Conakry…
Je passe donc le week-end avec Alain et Brigitte dans une
magnifique ferme, décorée à l’africaine car ils sont restés 6
ans au Gabon, comme restaurateurs. Le retour a été
difficile : Alain a 60 ans et ne peut obtenir sa retraite.
Coco, son super perroquet du Gabon, nous amuse
énormément car il est spécialement intelligent. Il parle
bien sur, mais appelle également les chiens par leurs noms,
mange de tout, même à la bouche d’Alain.
Je n’ai pas pris de décision lorsque je les quitte le lundi
matin. Dans le train qui me ramène dans ma province,
j’envoie un sms à Paris en disant que je suis indisponible
jusqu’au mois d’octobre et qu’il vaut mieux annuler ma
candidature… Je n’aurai pas de nouvelle mais c’est la
première fois que je n’ai pas de regrets en refusant un
départ. Tout n’est pas perdu ; j’attends un éventuel appel
pour pouvoir négocier fermement mes conditions. En
124
attendant, je postule toujours à de rares postes en France,
mais ne trouve rien pour l’Afrique. Arte propose toujours
de superbes reportages en Afrique qui me font rêver…
La canicule en France bat des records depuis 1947 et je vis
enfermé dans mes trente mètres carrés. Cette chaleur n’a
rien à voir avec celle de l’Afrique et ici les situations ne
sont pas adaptées à cette vague de chaleur qui dure…
L’été est bien avancé rien ne se précise. Je prends donc la
décision de postuler en France dans ma région et si je n’ai
rien à l’automne, je partirais certainement en direction du
Sénégal. D’ailleurs j’ai eu Khalifa au téléphone, mon ex
chef pâtissier du Domaine de Nianing. Emouvant, il
m’attends… J’ai vraiment quitté des amis lorsque je suis
parti de ce village de vacances. Paraît-il que le Chef de
cuisine Ballandras est viré après quatre ans de service. Il
faut dire qu’il avait un peu de mal avec le personnel, lui…
Les finances étant fébriles, je travaille deux semaines dans
une clinique de la région comme cuistôt spécialiste de la
poudre perlinpinpin ! L’été indien est là et au 18
septembre il fait encore 30 degrés. Je me suis fais un bon
copain avec Richard, un anglais d’une cinquantaine
d’année qui retape une ruine. J’en profite pour maintenir
mon english.
Je dois faire 15 jours d’essai courant octobre dans un
restaurant inter administratif à NIORT. Les conditions
sont bonnes et au cas où l’affaire serait sans suite,
j’envisage de passer l’hiver au Sénégal. J’ai également fait
connaissance, dans cette France profonde, de Coudy, une
Sénégalaise en instance de divorce avec un Français. Je
persiste à dire qu’il ne faut pas déraciner ces gens qui
perdent leurs points de repères en venant en Europe. Bien
que d’origine musulmane, elle picole au scotch et au
125
blanc, en attendant le ramadan ! Elle devra certainement
repartir au pays avec des souvenirs d’une société de
consommation qui se dégrade et son retour sera difficile.
Un e-mail m’annonce que le chef de cuisine recruté au
printemps pour la Mauritanie est viré et que mon dossier
est de nouveau d’actualité… Verrons bien …
Je commence à connaître des gens ici, dans cette petite
ville qui se vide, et tous galèrent plus ou moins. Je suis
toujours dans l’espoir de rencontrer la perle rare qui
voudra me suivre, et nombreuses sont les femmes qui me
regardent dans la rue, mais pourquoi faire ? ? ? Je n’ai pas
les moyens de traîner une famille et suis trop décidé à
continuer mes périples sur le continent Africain. J’ai tenu
le coup durant cet été exceptionnel mais je sais par
expérience qu’il faut préparer l’hiver. Mon logement trop
petit et la solitude auront raison de ma petite motivation à
vivre dans cette routine sans grand intérêt. Il est à peine 21
heures un soir d’été et il n’y a personne dans les rues. La
télé et le chômage ont tué la vie, tout simplement. La
canicule a également tué 14000 anciens durant août 2003,
14000 de plus que l’année précédente ! dernier chiffre
officiel ! NE JAMAIS DIRE CA A UN AFRICAIN ! Eux
qui sont pauvres et n’ont pas toujours de quoi manger, eux
qui croient à l’aide du monde riche et tout puissant, quelle
serait leur réaction face à ce massacre ?
J’ai profité de cette période d’inactivité pour faire un bilan
de santé et comme je n’ai rien d’important au chapitre des
soucis, j’en déduit que c’est la tête qui ne va pas car je
manque d’Afrique. J’ai besoin d’Afrique. Alors, je surfe
sur internet, je prends la voiture et fais le tour des agences
de voyages, et bien qu’ayant un contrat de travail le 6
octobre à NIORT, dans les deux sèvres, je prends un billet
d’avion « pas cher « pour DAKAR… On verra bien quoi
va se passer… Je suis certain de rester trois semaines au
126
Sénégal, et si la réponse du job à NIORT est négative, je
m’installe au soleil en essayant de vivre à l’Africaine. La
France continue de s’enliser, les politiques jouent avec les
chiffres et déshabillent Pierre pour habiller Jacques…
Quel bordel ! J’ai parlé assez longuement avec une femme
d’environ trente cinq ans, seule avec sa fille et des petits
boulots. Le manque d’ambition et la résignation ne lui
permettent pas d’espérer mieux que survivre avec le
système social français qui a du plomb dans l’aile. Je
commence à prendre un malin plaisir à provoquer ces gens
pour essayer de les faire réagir, mais rien n’y fait. Seuls
quelques uns venus d’ailleurs réalisent l’ampleur de notre
usine à gaz et ceux là , dont je dois faire partie, réagissent.
Ils partent.
Maguatte, mon ancienne secrétaire sénégalaise du village
de vacances, me cherche un logement sur la petite
gelenes
la galéjade
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 11:59 am

côte , au
Sud de Dakar.
J’ai fait la connaissance de Nicolas, un grand sénégalais
qui a tenu le camping de mon village cet été ; je me suis
présenté, et instantanément, il a trouvé quelqu’un qui doit
venir me chercher à l’aéroport de Dakar et me loger la
première nuit ; l’hospitalité Africaine commence ici !
Hier soir, j’ai survolé une émission à la télé avec Richard
Borringer. Encore plus Africain que moi, mais que de
vérités il dit : gentiment, il remet en place une charmante
animatrice qui assure qu’il connaît bien l’Afrique, comme
les Africains : il lui explique que, sur la photo montrée à
l’écran, « cette femme de 25 ans qui en montre 70,
épluche des cacahuètes d’une seule main et à une vitesse
déconcertante : il a lui même essayé durant une heure, sans
jamais pouvoir y arriver… ».
127
La pluie a fait son apparition et l’été indien est terminé.
Mon sac est prêt, le billet d’avion aussi… J’aurais aimé
partager ce nouveau voyage avec une compagne, mais à
l’aube de mes 50 ans, je n’ai toujours pas rencontré ma
moitié. Et pourtant, je connais une jolie pharmacienne,
disponible, née à Dakar et vivant à deux pas de chez moi :
malheureusement, elle est dans le système que je rejette,
avec une pharmacie à payer, une belle voiture, des enfants
en bas âge… Dommage !
Le départ approche : je viens de faire une semaine au
restaurant inter administratif et j’ai vu ce que je craignais ;
des gens démotivés qui attendent la retraite, des clients
fonctionnaires qui ont été opérés du sourire, le tout dans
un bâtiment sans fenêtre… Mes finances sont très basses
et le chômage s’annonce plus faible que prévu ; je vais
partir , j’en ai besoin, mais la décision va être difficile à
prendre pour le 9 novembre : retour ou not retour ?. Ici, je
sens venir la galère et les soucis... Là bas, j’aurais des gens
autour de moi, de la chaleur humaine et du soleil… J’ai
régulièrement Richard (l’Anglais, pas Borringer !) au
téléphone et bien que nous nous comprenons tout juste, il
me conseille de partir. Je lui ai fait regarder une émission
télévisée sur le Sénégal. Il est maintenant décidé à venir,
bien que l’avion lui pose un gros problème ! Bateau ou
auto … J’ai trouvé un vrai copain de 57 ans, et nous avons
les mêmes idées ! Voyages, vie cool, plein air… Lui a
réussi à mettre un peu d’argent de côté et à se bricoler sa
petite ruine en pleine campagne. Moi, j’ai tout bouffé !
Mon sac est déjà fait, et je t’assure qu’avant que je rate
mon avion, il faudra me casser les deux jambes !
13 Octobre : à 4 jours du départ, j’ai démissionné de ce
restau administratif ! ! ! Richard est mort de rire ! ! Mais il
me comprend …
128
SENEGAL 2003
Jour J : eau, gaz, électricité : tout est fermé. Le circuit
habituel commence : gare, train, bus à Paris, aéroport,
enregistrement, salle d’embarquement, décollage et arrivée
à Dakar à minuit heure locale.
Je passe dans les premiers aux contrôles et cherche
Bertrand, le costaud à la casquette bleue qui doit venir me
chercher et me loger chez lui pour le reste de la nuit.
Les casse-pieds me tournent déjà autour et je dois changer
quelques euros car je n’ai évidemment pas de francs cfa
sur moi. Première arnaque : avant que je n’ai le temps de
compter, le gars se tire à grande vitesse, en profitant pour
garder 2000 fr. cfa, soit 20 francs français de commission
sur 30 euros…
Après une bonne demi heure de recherche dans cette foule,
un gars m’aborde et me demande si je cherche Bertrand.
Celui-ci m’embrasse comme si nous nous connaissions
depuis toujours ! La casquette bleue est noire car elle a
beaucoup servie, le costaud a du ventre et doit faire 1.65
m !
Taxi : nous arrivons chez lui et là, deuxième arnaque : 30
+ 30 ça fait 60,mais ici c’est 130.(20 euros).
Je m’allonge sur un bout de matelas et la mosquée sous la
fenêtre hurle ses laï-laï jusqu’à 7 heures du mat. Côté
sommeil, c’est zéro.
Au petit matin, je donne 1000 fr. cfa pour que Bertrand
achète du nescafé, puis décide de partir à Mbour dans la
journée, n’ayant rien à faire à Dakar, si ce n’est dépenser
mon argent avec des gens que je ne connais pas.
Nous réservons un taxi pour 16 heures, ne voulant pas
rouler de nuit vu le danger et l’état des routes. De plus, il y
a des travaux entre Rufisque et Mbour, et de nombreuses
déviations sont en places. Pour tuer le temps, je fais
plaisir à Bertrand en visitant l’école dans laquelle il
129
enseigne le français ; je lui ai d’ailleurs apporté un livre de
citations qui lui a fait plaisir. Mon sac est plein de petits
cadeaux scolaires pour les différentes personnes que je
dois rencontrer.
A 17 heures, je m’énerve car le taxi n’est pas là, et
Bertrand discute avec ses copains au lieu d’en chercher un
autre. Nous sommes en banlieue de Dakar, un dimanche,
veille de Ramadan, tout va bien ! Enfin, nous faisons
affaire avec un taximan pour 12000cfa et partons. Nous
arrivons à la tombée de la nuit à Mbour après une heure
trente de secousses et avec de la latérite partout car les
déviations ne sont pas goudronnées. Maguatte, mon
ancienne secrétaire, nous attends devant chez elle à
Mbour. Pour la deuxième nuit, je vais loger chez Michel,
le frère de Bertrand, qui a une grande maison… en
construction. Surprise, il y a beaucoup de monde, et la
structure de la bâtisse est juste terminée ! Je vais essayer
de dormir, car la fatigue du voyage se fait sentir. En vain.
Je joue une partie de la nuit avec une petite souris qui
grignote mes affaires. Le matin, je prends la « douche
africaine », c’est à dire un seau d’eau dans un local dont la
porte en tôle ferme presque et avec deux gros cochons qui
reniflent en dessous. Puis je téléphone à Khalifa, mon
ancien pâtissier qui m’a trouvé un logement à 60 000 pour
trois semaines. Il arrive en taxi et après les salam
malekoum d’usage, nous partons à Saly niakh niakh hal
pour trouver ce logement. Au milieu de nombreuses
constructions, nous trouvons le bâtiment où il n’y a
apparemment personne. Impossible de joindre le proprio
sur le portable. Il fait une chaleur torride et mes bagages
sont lourds. Ma patience commence à atteindre ses limites.
Nous trouvons le gardien qui parle de 50 000 francs cfa…
la semaine ! Là, je me fâche et demande à Khalifa de
partir. Nous n’avons plus de taxi et marchons je ne sais
130
vers où, dans cet immense lotissement à la recherche d’une
calèche.
Je retourne chez Maguatte qui me propose une chambre
dans son immeuble chez un voisin pour 25000 par
semaine. Celui-ci étant absent, je reste deux nuits dans un
superbe campement, à la sortie de la ville, à 12000 la nuit.
J’essaie de négocier un bon tarif pour plusieurs nuits, mais
malgré l’absence de clients, Mouna, la directrice, ne fera
aucun effort. J’emménage donc dans la chambre proposée
par Maguatte, grande, avec juste un immense lit et une
ampoule de 15 watt, des nacos métalliques en guise de
fenêtre et la nationale 1 avec sa circulation sous la fenêtre,
pollution en prime car il y a des camions qui stationnent en
face et font tourner les moteurs la nuit.
Dés le lendemain, je commence donc à me balader dans
Mbour et, surprise, je vais mettre plusieurs jours à
retrouver mes points de repères en Afrique. Je ressens
comme une insécurité, une méfiance, des changements
dans la population. Cela fait presque deux ans que je ne
suis pas revenu ici, et j’ai l’impression que tout a changé ;
mon impression sera rapidement confirmée. Les touristes
ne sont plus au rendez vous et la ville de Mbour vie en
grande partie avec eux. Un nouveau toubab (blanc) qui
arrive, est pris d’assaut et les arnaques continuent. Très
désagréable. De plus, je n’ai pas la patience de discuter les
prix à chaque fois et les discussions sont brèves. Les
calèches, de 200 francs, passent à 500 et même 700 ! Je
marche ainsi beaucoup, en moyenne 6 à 8 kilomètres par
jour, sous la canicule car le thermomètre monte
régulièrement à 38 sous abri l’après-midi, ce qui est
inhabituel ici, à cette saison. Le vent du désert, l’armattan,
souffle une journée et là c’est l’enfer. Impossible de
bouger. Mon budget passe en boisson et je mange très peu.
Je ne suis pas très en forme et le ventilo me colle une sorte
131
d’angine en prime. Beaucoup de gens sont enrhumés, le
temps ayant changé. C’est la fin de l’hivernage. J’aurais
juste droit à deux heures de pluie intense.
Je retrouve Maurice, au restaurant le Masaï. Ancien patron
des Bougainvillés, à Nianing, il a la boule a zéro et je l’ai
à peine reconnu. Je lui donne près de 70 ans alors qu’il en
a 56 ! Toute la journée assis devant son restau sous
l’unique arbre, il regarde passer les filles et critique les
gens qui arrivent, avec des grossièretés. Je mangerais
plusieurs fois chez lui avant d’abandonner, car la propreté
et la qualité des repas laissent à désirer. La seule tourista
que j’aurais proviendra de chez lui ! un toubab ! Ses
serveuses sont sympa mais pas professionnelles du tout, du
moins pour servir dans un restaurant ! Maurice a toujours
recruté son personnel féminin sur des critères autres que
professionnels.
Après quelques jours, je me hasarde vers le marché, le
port, les quartiers populaires : j’ai en souvenir un
problème vieux de trois ans dans ces coins, et je suis très
prudent. La chaleur, la poussière, le bruit et la saleté de
cette ville qui a grandi trop vite et dont la mentalité est
gâtée par les touristes me gênent. Je ne retrouve pas
l’Afrique que j’aime et le Sénégal où je pensais
m’installer. J’ai apporté des graines au cas où je trouverais
un terrain à louer, ainsi que de nombreux cadeaux : ballon
de foot, fournitures scolaires, etc…
Je n’ai qu’à prononcer un mot et il y a toujours quelqu’un
qui a une solution. Ainsi je fais connaissance à » L’âne qui
tousse », le complexe dibiterie-épicerie-restaurant-bar à
putes d’un grand sénégalais européennisé qui se nomme
Maïssa. Les deux premiers soirs sont sympa, puis il
demande à boire, de l’argent pour le taxi, me propose une
bonne, un terrain pour mes légumes,… Bien qu’il m’ait
fait connaître Eric, un chic Togolais qui vient d’arriver au
132
Sénégal et qui lit les lignes de la main pour 500 fr. cfa, je
prends mes distances et ne retourne pas à l’âne qui tousse
pendant plusieurs jours afin de ne plus être importuné par
le grand. Les serveuses ainsi que quelques clients me
connaissent ; il est vrai que je suis le seul toubab ici et
facilement repérable.
N’ayant aucun moyen de me faire à manger, je dois donc
aller au restau. Je mange peu à midi et les prix sont
abordables. A partir de 1600 frs cfa, soit 16 francs français
environ 2.4 euros, j’ai un poulet yassa riz qui tient la
route. Le budget boisson lui, explose. Je dois m’hydrater
avec cette chaleur et de plus je marche beaucoup.
A la fin de la première semaine, je fais le point et suis très
déçu. J’ai pris conscience que mes projets de plantations
de légumes ne peuvent aboutir avec ce que je vois. Il faut
beaucoup d’argent, un véhicule, être vigilant en
surveillant tout le monde. Je suis épié en permanence, je
vois les yeux qui bougent dans ma direction sans que les
têtes tournent dès que je fais un geste. Je suis très prudent
avec l’argent, rangé dans différentes poches suivant la
valeur des billets et surveille ma monnaie, car ici personne
ne peut rendre sur une grosse coupure ; à 9 heures du mat,
à la poste, j’ai donné 1200 pour payer 1140 et le gars
n’avait pas de quoi me rendre ! ?
Chaque jour je consulte internet qui me permets de
surveiller mes divers comptes et dossier en France.
Pratique et pas cher.
Un soir, alors que je suis chez Maurice au restaurant le
Masaï, je fais connaissance de deux bretons qui ont monté
une boite de soudure inox ; ils travaillent très bien et
picolent encore pire ! L’un style rasta, l’autre style » viens
dehors que je te casse la gueule » ! Puis arrivent d’autres
toubabs ; toujours intéressant à voir, ces expats qui ne
veulent plus revenir en France mais qui galèrent en
133
s’accrochant à un mode de vie marginal… Je rencontrerais
ce soir là deux jeunes Ivoiriennes, Geneviève et Myriam.
La tante et la nièce… La tante a 25 ans et la nièce un peu
moins. Elles ont quitté la Côte d’Ivoire suite aux
événements et tiennent une jolie petite boutique de
vêtements et de produits de beauté importés. Geneviève
est une jolie petite nana, à la peau très claire et parle
comme les créoles : elle ne prononce pas les R et certaines
consonnes. « Benar, feme la pote ! « J’ai quelque fois du
mal à la comprendre. Je lui promets que j’irai voir sa
boutique le lendemain.
Je rentre de nuit et à pieds à ma chambre. Le ramadan
vient de débuter et il n’y a aucun taxi le soir. Les
musulmans « coupent » le jeune et les laï-laï
recommencent la nuit. Je dors sans drap et avec la lampe
torche à portée de main car la porte de la chambre est de
construction très légère et le quartier pas trop bien
fréquenté.
Le bruit de la circulation et l’odeur des fumées diesel me
sortent du sommeil vers 7 heures. Je prends la douche et
sort pour boire le café. Mes projets abandonnés, il va
falloir trouver à s’occuper. Je vais en ville : au passage, je
m’arrête chez un coiffeur. Pour 1000 francs, il me rase
avec finition à la lame de rasoir direct la main ! Faut pas
bouger patron ! Non, non…
Je trouve facilement la boutique des filles. Pas mal. Je me
demande à peine comment elle ont pu financer, mais peut
être leur famille les a-t-elle aidé ? Geneviève boit une
gazelle, ces bières locales de 66 cl. Il fait chaud et il est à
peine 10 heures du mat..
Elle m’offre un verre avant d’aller en chercher une
seconde à l’épicerie d’à côté, en enjambant un musulman
en train de prier sur le trottoir devant la boutique. C’est
aussi ça le Sénégal.
134
Je traîne dans le quartier en prenant soin de surveiller les
voleurs à la tire car je suis dans le quartier craignos du
marché et du port de pêche. Vers treize heures, je vais
déjeuner dans un restau tenu par un français. Sympa, pas
cher, bonne cuisine. Je laisse passer le temps car la chaleur
est terrible, puis je repasse à la boutique des filles, qui se
trouve sur mon chemin.
Geneviève casse la croûte alors que Myriam est allongée à
même le sol et dort.
Geneviève me propose de visiter un appartement neuf à
côté du sien, qui est à louer 50 000 cfa par mois. A ce prix,
je pourrais le louer à l’année, même si je dois rentrer en
France. Le soir même, j’y vais et surprise, de nuit, il est
sympa, un peu isolé. Comme l’électricité n’est pas
branché, je propose de revenir de jour avant de donner une
réponse car j’ai en mémoire la galère à Dakar, deux ans
plutôt. Effectivement, de jour, j’abandonnerais cette
opportunité, car il y a encore pas mal de travaux à terminer
et ici, si le locataire a payé, adieu la fin des travaux !
Cette deuxième semaine est pour moi difficile ; j’ai une
angine, la chaleur, la déception de ne pas démarrer mes
projets, les finances qui baissent plus vite que prévu et la
réalité qui me saute au visage : les gens ont changé et j’ai
envie de quitter ce pays où je pensais venir pour y finir
mes jours. L’Africain blanc a du plomb dans l’aile !
Je passe régulièrement voir Geneviève et Myriam. Leur
bonne , Fatou, est à la boutique la journée et le soir
prépare à manger à sa patronne car elle habite en face. Elle
mange avec les filles et perçoit un salaire de 15000frs cfa
mensuel. Je mangerais plusieurs fois le soir chez elles où il
n’y a qu’un matelas pour deux et un bel ordinateur avec
imprimante. Pendant qu’elles préparent le dîner, la nuit
tombée, je mets le matelas sur la terrasse et regarde les
étoiles. Il fait des températures négatives en France et dans
135
quelques jours j’y serai… Je formerais Geneviève sur son
ordinateur car elle demande à apprendre et l’emmènerais
dans un cyber espace pour lui montrer internet. J’ai
toujours été étonné de la facilité avec laquelle les Africains
apprennent l’informatique.
Puis je ne sais comment, nous nous rapprocherons l’un de
l’autre, mais pas comme cela se fait habituellement ici.
Geneviève est différente des Sénégalaises : sa mentalité ,
son envie de travailler, d’avancer… Coquette et très
propre, elle a tout d’une européenne, sauf les pieds. Pas
sexy, mais c’est 99% des africaines ! J’ai envie de l’aider
pour sa boutique. Je lui explique que sa devanture n’est
pas mise en avant et lui dessine un projet d’enseigne. J’ai
maintenant pris la décision de rentrer en France le 9
novembre car j’ai le billet retour et rien ne s’est déroulé
comme prévu. Je doit régler certaines affaires en fin
d’année, et ici je vais m’enliser. Il est donc préférable de
partir et de travailler pour les fêtes, je dois trouver. En
janvier, on verra. Je pense même lui expédier de la
marchandise de France. Sans prendre de risques, j’ai peut
être mis le doigt dans l’engrenage qui me permettra de
rester ici.
Dans un coin de la boutique, il y a un quad, tu sais ces
trucs à 4 roues avec un moteur, caché sous un tissu. Je
demande à Geneviève à qui c’est, mais elle ne me réponds
pas. Puis, quelques jours plus tard, je feuillette un bouquin
de prières catho et sur la feuille de garde je vois un
numéro de portable français avec « Tony chéri ». J’envoie
un sms en demandant des renseignements sur le quad à
vendre ! Le résultat ne se fait pas attendre : le portable de
Geneviève sonne et le gus demande des explications !
Ensuite, c’est elle qui m’en demande ! Puis moi…
Le gars n’est pas revenu ici depuis un an. Il envoie de
l’argent de France et a financé la boutique. Le loyer appart
136
+ boutique revient à près de 2000 francs français par
mois ! De plus, elle a perdu dans le transport un colis de
produits de beauté venant d’Abidjan, d’une valeur de 650
000 francs cfa ! et le gars a renvoyé de l’argent…
Elle paraît ennuyée car elle a besoin de l’argent de ce
Tony pour vivre et faire tourner sa boutique, et je vois
bien qu’elle est contente que je sois avec elle. Je lui
apporte une connaissance, de l’aide, peut être de l’amour
aussi. Je lui présente Eric, le Togolais, et elle prends
rendez-vous pour le lendemain sans me dire de quoi il
s’agit. Les Africaines communiquent peu oralement et
c’est un peu pour cela que je suis toujours sur mes gardes
car elles cachent facilement certaines choses.
Nous allons à pied chez Eric. Il habite une petite chambre
dénudée : juste des tôles et quatre murs, avec à même le
sol une sorte de duvet, quelques bougies, et fixé sur un
mur un foulard avec les signes du zodiac. Il présente bien,
offre volontiers un verre dans un bar, mais n’a rien.
Pauvre, mais digne et ne le montre pas.
Pour 500 francs cfa, il regarde les lignes de ma main. Il
tient cela de son père…
Puis c’est au tour de Geneviève. Nous aurons le résultat
par écrit le lendemain. Avant de prendre congé, je vois
qu’il remets un petit papier avec de la poudre à
Geneviève… là je ne suis pas tranquille car je ne sais pas
de quoi il s’agit et je suis informé des empoisonnements
faits par des Africaines envers des Français qui voulaient
les quitter. Il ne me reste que quelques jours avant mon
départ, et il va falloir être vigilant.
Je vais manger chez Paolo, un restau sympa près de chez
Maurice. Bonne bouffe pour quelques euros, décors
sympa. Je sympathise avec le personnel car les clients sont
rares et un toubab seul est certainement différent des
137
touristes. Je rencontre Paul, l’ancien chef mécano qui
travaillait avec moi au Domaine de Nianing en 2000, et
qui a été remercié. Il vit avec une Sénégalaise depuis trois
ans mais n’a plus de nouvelles depuis 8 jours. Il téléphone
au frère de celle-ci qui est ministre à Dakar pour
l’informer et éviter d’éventuel problèmes. Il me donne des
nouvelles de mes anciens collègues : plusieurs ont été viré,
d’autres sont partis. Que de changements en si peu de
temps. Je voyais le Sénégal comme un pays idéal pour
m’installer et vivre des jours heureux, le climat social et
politique me semblant stable, mais j’avais oublié que
l’économie précaire pouvait faire marche arrière et ainsi
changer la mentalité et augmenter la pauvreté, notamment
ici dans cette région touristique. Paul picole pour oublier
le départ de sa femme : Il a commencé à construire une
villa mais va arrêter les travaux. Il a 60 ans, originaire de
Savoie et sa vie est ici, mais ne va-t-il pas vieillir
prématurément ? ? Je ne lui dis pas, mais en trois ans, il a
beaucoup changé.
Je profite de l’après-midi pour aller dans le village
artisanal. Il faut oser mais c’est intéressant à voir. Des
dizaines d’ouvriers sculptent du bois, notamment des
djembés. De nombreuses statuettes sont magnifiques.
Evidemment, tous veulent me vendre quelque chose, aussi
afin de calmer le jeu, je leur explique que je n’achète rien
aujourd’hui mais que je regarde, avant de rentrer en
France pour les fêtes . Je trouverais un morceau de
branche d’ébène, dont un côté a été taillé pour faire un
masque. L’ouvrage n’est pas terminé, mais brut et je
trouve l’objet sympa. Je le négocie à peine car je suis le
seul client au village et ils ont besoin d’argent pour la fin
du Ramadan. Je remonte à pied en direction de ma
chambre et m’arrête à L’Ane qui tousse boire un pastis :
- Pastis à 500 ou à 1000 ?
13
gelenes
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 12:02 pm

petite parenthèse pendant la pause pub :

Je remercie la dame de la caisse retraite qui essaie de remettre de l'ordre dans tout ça...perso, j'ai laissé tombé ! les voyages manquants sont des voyages persos pour le plaisir...les feuilles de salaires ont du s'envoler un jour de grand vent ... mais quand même , faites un effort ! je mérite plus que vos 288 euros ... :mrgreen:

Tout le monde a été aux toilettes et a repris une bière pour finir la pizza ?

on continue ...
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 12:03 pm

- Pastis à 500 ou à 1000 ?
138
- A 1000, j’ai très soif !
Le verre arrive, à moitié rempli de pastis, l’autre moitié de
glaçons !
Je demande donc de l’eau. C’est la dose syndicat !
L’équivalent de trois doses françaises !
Le lendemain, je demande la même boisson, mais à 500
francs, ayant jugé que la dose à 1000 étant un peu trop
épaisse.
Le verre à 500 arrive… c’est le même que celui à 1000 !
Voilà un moyen facile d’économiser 500 francs !
Assis en terrasse, je regarde passer les véhicules qui
ramènent les gens du travail, avant la coupure du
Ramadan. Dans quelques minutes, les rues seront vides,
lorsque le soleil sera couché. C’est presque l’émeute
devant les boulangeries. De nombreux enfants sont venus
chercher le pain. Des femmes vendent des beignets et
autres pâtisseries qu’elles portent sur la tête sur un
immense plateau métallique enveloppé de plastique.
Mon attention se porte sur deux voitures de marques
différentes, stationnées devant le bar. Pur hasard, mais
elles ont un point commun : leur immatriculation ! La
même !
J’observe également les carrossiers qui travaillent à même
le trottoir, dans le sable. Impressionnant de dextérité. A
l’aide d’un burin et d’un marteau, ils refont des éléments
de carrosserie identiques à l’origine. Par exemple, un bas
de caisse de 404 Peugeot des années soixante, nervuré s’il
vous plaît !
Une calèche passe, au cri du cocher qui fouette en
permanence le pauvre cheval, maigre, qui a l’échine en
sang avec le frottement du harnais qui date d’une autre
époque. L’animal est à bout de forces, il a soif,
certainement faim, mais que faire ? Cela me rappelle un
retour du centre ville vers ma chambre, alors qu’il faisait
139
très chaud ; je pris une calèche conduite par un jeune
garçon pour le faire travailler mais celui-ci ne parlait pas le
français. Le fait n’est pas rare et souvent ils le
comprennent. La rue principale est la nationale DAKAR
JOAL et les calèches n’ont pas le droit de l’emprunter ;
elles font donc quelques zig-zag dans les quartiers pour
l’éviter. Ma chambre étant juste en face le bar L’Ane qui
tousse, et celui étant connu, je demandais donc au jeune de
m’emmener. Il négocia le prix ce qui ne posa pas de
problème de langue et nous voilà secoués dans sa carriole
dans les petites rues poussiéreuses de MBOUR. Le temps
passe et je me demande pourquoi il ne prends pas la
direction du nord où je dois me rendre, mais peut être
connaît il un autre circuit. Après tout je ne suis pas pressé,
et je visite en même temps les bas quartiers. Une demi
heure plus tard, je commence à me poser des questions car
nous sommes à la sortie de la ville et pas dans la bonne
direction ; je lui parle et apparemment il ne comprends pas
le français ! il attendait que je lui dise de tourner… Je me
dirige par rapport au soleil et nous voilà dans des coins
isolés avec plein d’enfants qui crient « toubab « et nous
suivent sans difficulté car le cheval est très fatigué avec la
chaleur et un manque évident de soins. Nous stoppons
pour demander notre route et le point de repère est une
antenne radio au loin ainsi que la gare routière, sauf qu’ici
il faut demander le « garage » et non la gare routière ! ! !
Moi même fatigué et assoiffé, je commence à m’inquiéter
un peu car la nuit va tomber et je ne sais pas où je suis ; il
n’y a aucun véhicule et si je dois finir à pied je n’ai
évidemment pas de torche électrique et la nuit sera là dans
quelques minutes. Après de nombreux méandres entre les
cases, nous nous rapprochons de la gare routière et là je
descends de la calèche, soulagé et en même temps content
d’avoir visité la banlieue de MBOUR. Il n’y avait pas péril
140
en la demeure, mais je n’aurai pu vivre cela avec une
femme comme Chantal, qui se serait énervé et nous aurait
certainement attiré des ennuis. Il est vrai que plusieurs fois
je fus inquiet car nous nous sommes retrouvés dans des
culs de sacs isolés, avec le cheval qui paniquait pour faire
demi tour et ceci en fin de journée…
Une douche, un pastis avec la musique forte de l’Ane qui
tousse pendant que la petite cuisinière me préparait une
assiette de crevettes avec ses mains sales, la chaleur qui
tombe, la nuit sombre qui s’installe… La journée se
terminait avec un nouveau souvenir. Je rentrais chez moi
dans le noir avant de me laisser tomber sur le lit en
regrettant de ne pas profiter plus de mes soirées africaines,
mais je n’étais pas dans l’endroit typique auquel je rêvais
et il était trop tard ou trop tôt pour modifier mes projets.
De ce voyage, je retiendrais qu’il faut voyager le plus
léger possible, ce qui était presque mon cas, mais surtout
que l’Afrique coûte cher pour un routard car il y a
beaucoup de situations imprévues qui doivent se
monnayer. Mon budget était trop faible et ne me laissait
aucune marge de manoeuvre. Je le savais avant de partir
mais je voulais essayer et il est vrai que j’avais compté sur
mes amis d’ici. En réalité, ceux-ci ne se posaient pas de
questions sur ma situation et vivaient sans se soucier de
l’avenir alors que moi je réfléchissais trop. Il n’est pas
facile d’oublier les institutions et la culture françaises que
nous connaissons depuis notre enfance. Modifier son
mode de vie ou fuir une société est facile et réalisable,
mais il nous reste toujours quelque chose de notre passé…
ne serait ce que la fourchette pour manger ! J’ai quitté ou
oublié certaines manières françaises et acquis des modes
de vie à l’Africaine, mais « L’Africain blanc « est devenu
une sorte de métis… Bien ou mal à l’aise suivant les cas
sur les deux continents.
141
L'hiver approche en France et les fêtes de fin d'année se
passent comme d'habitude : elles ne représentent rien pour
moi, si ce n'est montrer un peu plus le fossé entre ceux qui
ont de l'argent et les autres… Je n'ai aucune nouvelle de
mon fils, seule ma cousine fanfan me téléphone. Je
continue mes recherches d'emploi, mais j'avoue que le
dynamisme n'est pas terrible.
Le lundi 5 janvier 2004, soulagé que cette période festive
soit terminée, je consulte internet. J'ai reçu un e-mail
d'ERIC, le Togolais que j'ai connu au Sénégal au mois
d'octobre dernier : son message est bref, mais je dois le
relire trois fois afin d'être certain de la nouvelle ; mes yeux
s'emplissent de larmes. Je suis à la poste. Je me déconnecte
et pars dans le froid de janvier prendre l'air et marcher.
Puis j'envoie des sms, à Fanfan, ma cousine, à Christèle,
ma vieille copine policière, et je ne sais plus à qui : j'ai
envie de crier, de pleurer ; GENEVIEVE, ma jolie petite
Ivoirienne avec qui j'ai passé mes derniers jours au
Sénégal, est décédée ! Le 26 décembre, le lendemain de
Noël. Et moi qui lui en voulais de ne pas me donner de
nouvelles… Le message parle d'une courte maladie à
l'hôpital de MBOUR. La sépulture a eu lieu le 31
décembre. C'est tout. Elle avait 25 ans, mais une maturité
et une joie de vivre… Je pense à Myriam, sa nièce, qui ne
sait ni lire ni écrire, dans un pays qui n'est pas le sien.
J'envoie un sms à quelqu'un qui la connaissait. Une heure
après, mon portable sonne et la confirmation redoutée est
là : rupture d'anévrisme. Cela ne me console guère, mais je
culpabilise moins. Je n'aurais rien pu faire même à ses
côtés.
Toute la journée je suis triste. Je vais dire bonjour à
RICHARD, mon copain Anglais, qui comprend ma
douleur. C'est la première fois que je ressens un tel
sentiment alors que je ne savais pas de quoi l'avenir était
142
fait. Ce petit bout de femme qui m'a apporté de la joie, du
bonheur, de l'amour, en si peu de temps. GENEVIEVE, tu
étais vraiment différente. Pourquoi nous as tu quitté si
vite ? Je n'ai aucune photo de toi, mais je te vois encore
dans ta boutique, chez toi sur la terrasse sous le ciel étoilé,
ou à la fenêtre, appelant Fatou, la bonne. Je te vois à côté
de moi, désirant apprendre comment fonctionne un
ordinateur et internet. Toujours bien habillée, sérieuse et
désinterèssée. La vie est cruelle. Quand pourrais-je me
recueillir sur le coin de terre Sénégalaise où tu reposes ?
Les kilomètres me séparent de toi mais tu es là, près de
moi… Je m'aperçois combien je t'aimais. Si Dieu existe, et
j'en doute, qu'il prenne soin de toi. Je t'embrasse.
La semaine qui suivit fût très difficile. J'avais perdu
quelqu'un de cher. Pour la première fois, je réalisais ce
qu'était la douleur lorsqu'une personne estimée ou aimée
venait à disparaître. Nuit et jour j'ai pensé à toi,
GENEVIEVE, et c'est grâce à un coup de téléphone d'un
futur employeur que j'ai pu continuer à avancer car j'étais
profondément triste.
Le 13 janvier 2004, je fus donc sélectionné pour prendre la
direction d'un magasin de bricolage dans ma région.
C'était la seule solution immédiate pour me sortir de ma
situation financière délicate et me remettre dans le circuit
du travail. J'en avais bien besoin pour oublier cette fin
d'année 2003 et de plus le mauvais temps était là.
Quelques amis me téléphonèrent pour me souhaiter une
bonne année et dans l'ensemble, le climat était morose.
Une semaine plus tard, je laissais tomber ce job pour
soigner une bonne crève et ne plus revenir dans cet
143
entrepôt de matériel agricole géré par des sousdéveloppés.
Une fois de plus, j'avais la preuve que ma place était
ailleurs. Je relançais donc des candidatures au Tchad, en
Irak (!!!), au Maroc, au Burkina, mais rien en France.
Chaque matin, après avoir dit bonjour à Coco, j'allais
prendre un café en ville et consulter internet à la recherche
d'un job à l'étranger avec l'espoir d'un rendez-vous pour
un futur départ.
Mon dernier e-mail pour l'Irak avait bien interressé
quelqu'un, mais à 2300 dollars et un contrat d'un an sans
retour au pays, il pouvait se le garder !!! Les attentats
redoublaient et les images diffusées aux infos étaient
décourageantes. 100 morts en moins de 24 heures… civils
et militaires…
Chaque semaine, Richard me téléphonait et nous allions
faire un tour a Ellis Park pub où nous passions une heure
ou deux en échangeant en anglais des propos qui
généralement concernaient la partie arrière des clientes
présentes ou des passantes ! Divertissement
hebdomadaire.. . Il comprenait bien ma situation et
m'aidait moralement. Les rares personnes que je
connaissais dans cette petite ville en train de mourir,
étaient des gens superficiels avec qui je n'avais rien de
commun. Un samedi ensoleillé de février 2004 je suis
même retourné dans un milieu que je connaissais bien : le
parachutisme. Après dix minutes de discussion avec des
gens sympa, je suis reparti comme j'étais venu : en me
disant que le passé appartenait au passé. Je n'avais plus
rien à faire ici.
Les jours passaient et malgré mes recherches je ne trouvais
rien. Le lundi matin je rendais visite à mon ami
Sénégalais, Nicolas. Je l'aidais à corriger ses quelques
lignes qu'une feuille de chou locale lui achetait pour une
144
poignée d'euros, puis nous parlions de choses et d'autres,
d'Afrique, de voyages, de boulot, de femmes… Son rire du
haut de ses un mètre quatre vingt restera dans ma
mémoire. Sa façon de penser aussi : un mélange d'Africain
et d'Européen, que seul j'arrivais à déchiffrer. C'est peut
être pour cela qu'un soir il me fit grand plaisir en me disant
spontanément que j'avais tort dans mon raisonnement car
je réfléchissais comme un Africain ! Je le croisais parfois
en ville avec son vélo et des vêtements de couleurs
vives… Impossible de ne pas le voir ! Il faisait partie de
mes meilleurs amis et surtout il me comprenait, lui. Il
m'aidait moralement et avait gardé cette chaleur humaine
et l'hospitalité du Sénégal.
Il était grand temps que je trouve un moyen de travailler.
Le temps passait vite, bien que les journées fussent
longues. Les deux annonces pour le Tchad et l'Algérie
étaient restées sans suite. Alain, mon copain du Tchad,
avait l'opportunité de reprendre un petit restaurant à
Beauvais. Et moi, rien… Je m'allongeais un peu trop
souvent pour réfléchir en me concentrant. Je rencontrais de
nouvelles têtes que mes propos interessaient. Nicolas avait
d'ailleurs mon pedigree prêt à être publié dans son canard
mais j'avais demandé à ce qu'il le garde en attendant un
nouveau départ. Le saltimbanque que j'étais devait
continuer sa vie de nomade. Afin de tuer le temps, j'allais à
la bibliothèque municipale et là je continuais à rêver en
feuilletant des livres avec de belles images. Des récits de
voyages dans le désert me laissaient sur ma faim. Trop
banal, sauf pour les auteurs qui découvraient eux les
grands espaces avec une prise en charge depuis leur
départ. Le vent de sable, les bivouacs, étaient narrés ici
comme sujet principal alors que pour moi ils faisaient
partie du décor, de ma vie…
145
J'emmenais Richard visiter le Musée de Saint Jean
d'Angely qui relate les croisières Africaines d'Audouin
Dubreuil en véhicules à chenilles Citroën, vers 1925. De
nombreux souvenirs de voyages sont exposés : ainsi je pu
d'une certaine manière lui transmettre un peu de mon
amour de l'Afrique. Nous avions même pris un verre en
terrasse, début mars, avec Nicolas. Une petite table et trois
nationalités différentes, trois cultures différentes…
La douceur qui annonçait la fin de l'hiver et mes deux amis
étaient un moment de bonheur… Je m'habillais toujours
avec des vêtements d'aventurier sans m'en rendre compte
et depuis quelques temps ils étaient devenus à la mode!
Même ici, je trouvais des pantalons comme il faut pour
voyager, tu sais, ceux avec des poches partout et des
braguettes qui ne tombent pas en panne à 5000 kilomètres
de chez toi !
Le 11 mars 2004, de nouveaux attentats a Madrid, dans
des trains, avaient secoué le monde civilisé. Nous étions
dans une guerre mondiale de religions et la société de
consommation ne savait comment réagir. Elle voulait se
protéger, protéger ses intérets politiques et économiques,
et apparemment, même si nos dirigeants donnaient
l'impression de se bouger, ils ne savaient comment s'y
prendre. Encore une fois, nous avions l'exemple du terrain
et de la théorie. Cela n'allait pas m'aider à repartir, bien au
contraire, car la psychose s'installait chez les touristes et
certains pays voyaient fondre comme neige au soleil les
possibilités de rentrer des devises étrangéres avec des
charters du troisième âge. Je continuais donc mes
recherches d'emploi régionales et internationales en
espérant trouver un casse croute pour patienter ! 90.60.90,
blonde avec un QI de 130 si possible… Je n'avais pas
vraiment l'esprit à la gaudriole mais la solitude devenait
146
réellement pesante. Régulièrement, mes nouveaux amis
me téléphonaient pour prendre de mes nouvelles ou boire
un café et m'aidaient moralement. Prof d'Espagnol, patron
de bistrot, caissière, journaliste, chômeur, pizzaiolo, peu
importe. Nous échangions et le soleil revenait. Même les
offres d'emploi pour la saison d'été commencaient à sortir
au milieu des jonquilles. Mes connaissances de chef de
cuisine allaient bien me sortir de cette situation…
Mercredi 17 mars 2004 les affrontements Serbes-Albanais
ont repris a MITROVICA, au Kosovo. L'Otan a réagi
immédiatement en envoyant 1000 soldats supplémentaires
dont 350 français. J'ai la nostalgie du Kosovo, même si
j'en ai rapporté des souvenirs difficiles à oublier. C'est une
sorte d'Afrique blanche dans certains secteurs et cela me
rappelle quelques valeurs humaines de pays pauvres
d'Afrique. J'aimerais y repartir pour aider ces gens. Ma
santé est fébrile, l'âge avance et j'en suis conscient. La
preuve à l'appui : un changement de temps et me voilà
avec un pif tout gonflé et un stock de mouchoirs en
papiers pour passer le week-end, isolé en ce jour officiel
de printemps! Le coup de déprime hivernal est bien là et
les opportunités de repartir en Afrique pour le compte
d'une société sont nulles : plus d'offres d'emploi et j'ai
dépassé la limite d'âge. Il ne me reste plus qu'a trouver un
moyen de survivre en France en attendant la retraite pour
un départ définitif. D'ici là, j'aurai l'occasion d'y aller de
temps en temps et peut être de commencer à préparer mon
arrivée. Je rêve que ma famille soit Africaine. Durant ces
longues journées, j'écoute de la musique de là bas. Peu
d'Européens ont connu ce sentiment. Je suis à 5000
kilométres d'ici… J'ai revu les images des massacres du
Rwanda. Pourquoi suis-je inactif ici alors que l'Afrique
m'appelle et tant de gens ont besoin d'aide ? Si je n'avais
pas cette connaissance et cet amour de l'Afrique, que
147
serais-je devenu ? Je comprends et compare
gelenes
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 12:04 pm

les bruits, les
odeurs, les couleurs, les gens, le soleil, le ciel, de ces deux
continents… Je vois les cases en brousse au Tchad avec
l'immense disque rouge qui disparaît à l'horizon en
quelques instants… La chaleur de la nuit et ses cris
lointains… Je suis allongé tout habillé sur mon lit… Je ne
sais qu'elle heure il est, mais peu importe. Je suis en
Afrique et le temps n'a pas d'importance… C'est en
l'écrivant que je le comprends. Marginal, sûrement, j'ai
vécu dangereusement, libre sous une certaine forme, mais
pas assez fort pour ne pas revenir en France. Les larmes
que j'essuie d'un revers de manche sans avoir honte, ne
sont pas les mêmes en Afrique et en France. Les larmes
françaises n'ont pas le même goût. En Afrique, la chaleur
les séche rapidement et tu ne dois surtout pas les montrer.
Trop de gens devraient pleurer et ne le font pas.La dignité
Africaine.Nous récoltons, nous les toubabs d'aujourd'hui,
les résultats d'années de colonisation. J'enfonce une porte
ouverte, je sais.L'Africain blanc que je suis est un exilé de
sa vie. Ma fuite en avant est maintenant un appel de
l'Afrique. Je suis admiratif devant l'ingéniosité et le
courage de ces gens…Pas de société de consommation et
de matériel presse-boutons. Et pourtant la vie continue…
L'odeur des petits braseros sur le côté des routes, ces
femmes chargées sur la tête qui marchent en trainant les
pieds dans la latérite, ces hommes sous l'arbre à palabres,
le claquement des fouets des conducteurs de calèches, les
cris de ces nuées d'enfants qui me suivent en m'appellant
"toubab"… Comment faire pour retrouver ces Africains et
leur apporter mes connaissances? La musique s'arrête…
J'ai fait un voyage en Afrique… J'entends à l'extérieur des
sons différents. Ceux d'une petite ville française, rythmée
par les pendules… Même les cloches de l'église nous le
rappellent. Où sont les djembés ? Ma solitude est devenue
148
insupportable et Nicolas, mon ami Sénégalais, l'a bien
compris. Il m'appelle presque tous les jours, et ses
remarques sont les seules que j'admette car je les trouve
justes. Son rire déclenche du bien être chez moi. Je sais
que tous les Africains en Europe ne sont pas comme lui.
Nous nous comprenons et bien qu'il soit totalement intégré
dans notre système, comme moi il a besoin de retourner au
pays. Comme moi, il a besoin d'Afrique et… d'argent pour
y aller. Il va falloir que lui et moi trouvions un job
d'été.Avril est là.
Une opportunité se présente en mai pour nous deux :
encadrer des jeunes délinquants dans une ferme…Je
tiendrais un peu plus d'une semaine et Nicolas, lui, plus
jeune et plus cool, s'accrochera car il vise un contrat à
durée indéterminée. A ce jour 30 juin, il y est toujours et
nous nous voyons moins souvent mais régulièrement. Il a
compris que ma vie était en Afrique et qu'ici j'avais la
petite santé et le stress français. Il me remonte le moral en
me disant que nous allons faire des affaires en Afrique,
bientôt… Je lui ai bien expliqué que j'avais maintenant des
dettes à la banque et pas d'argent d'avance, mais son
optimisme et sa culture africaine ne s'arrêtent pas à ce
genre de détails !
J'ai travaillé deux semaines en cuisine d'entreprise à
Saintes, ma ville natale : l'horreur. L'ambiance, les 35
heures, les poubelles… J'ai préféré stopper cette
expérience en attendant de trouver une autre solution.
Coco, mon perroquet, s'est enfui comme un ingrat la
veille de mes cinquante ans… Je suis triste… seul. L'été
est là. Le soleil brille. L'Africain blanc somnole avant de
rebondir…
Les jours passent… La monotonie des journaux télévisés,
la solitude, les déboires dans mes recherches d'emploi…
La vie d'un Français en dessous du seuil de pauvreté en
149
2004… Aucun espoir dans l'avenir proche : alors je vis de
souvenirs d'Afrique, je croise Nico de temps en temps,
puis l'automne arrive, puis l'hiver, et ce soir, 24 décembre
2004, accompagné par un bon rhume, je vais manger
quelques huitres avec une bonne bouteille de Médoc que
Richard, l'english, m'a apporté. Ensuite, je rêverai au soleil
d'Afrique, alors qu'ici la brume et l'humidité envahissent
les moindres quartiers. Je repense à cette fournaise,
lorsque la porte de l'avion s'ouvre sur un tarmac africain
alors que quelques heures plus tôt j'avais pull et parka,
avec le col remonté au maximum. Je cherche à me
rappeller ces odeurs qui plaisent et irritent : les braseros, le
poisson séché, la terre brûlante… Je revois ces gens dans
la nuit, avec leur démarche nonchalante, les marchands de
cigarettes, l'impression d'arriver en terrain connu même s'il
s'agit d'un nouveau pays, d'une nouvelle ville… Ici, tout
bouge en même temps. J'ai encore le reflexe de regarder
ma montre… Pourquoi ? restes de la civilisation
européenne… Je pense aux multiples inscriptions sur les
véhicules, sur les boutiques, qui me font sourire car elles
reflètent la réalité et les sentiments de ces gens dont la
torpeur n'est plus à démontrer. Ils m'étonneront toujours,
les Africains, dans leur mode de fonctionnement et de
raisonnement ; c'est, en autre, pour cela que je les aime. Ils
ont une capacité à attendre qui en Europe deviendrait une
performance face au stress. Qui n'a jamais vu des Africains
somnoler en attendant que le bus soit complet pour partir ?
En France, l'on s'impatienterait en demandant avec
agressivité à quelle heure est le départ, afin de pouvoir
réclamer…et créer une mauvaise ambiance, moyen
d'exprimer son mécontentement et son exigence. En
Afrique, continent vaste, l'homme ne décide pas
vraiment.Un peu comme avec les lois de l'aéronautique…
si tu ne respecte pas l'Afrique, elle saura te le faire payer
150
au prix fort. Un individu isolé en Afrique ne peut survivre.
Les ancêtres ont apportés leurs expériences et les
populations en bénéficient aujourd'hui. Un groupe de
marcheurs ne parle pas... Ils marchent en file indienne...
Pas vraiment pour la sécurité mais parcequ'autrefois et
même encore aujourd'hui, il y avait plus de sentiers que de
pistes pour se déplacer …
Je vois aussi ces femmes, toujours coquettes,avec leurs
charges sur la tête et souvent un enfant accroché dans le
dos… Leur vie est difficile, mais je ne me souviens pas en
avoir entendu se plaindre…
Les jours passent… rien. Je survole les revues africaines,
les sites internet spécialisés… Nous sommes déjà en
janvier 2005. Le "DAKAR" me passionne comme chaque
année. Cette fois, la météo n'est pas au rendez-vous.
Beaucoup de vent de sable, brume… Le séisme qui a eu
lieu en Asie du sud est et ce changement climatique dans
d'autres régions sont ils des signes de l'état de notre
planète ? J'ai appris que mon fils est à BALI, en
Indonésie ; durant plusieurs jours, je vais essayer par tous
les moyens de savoir. Il ne se fait pas de soucis car il n'a
pas conscience qu'il y a eu 160 000 morts tout près de lui.
J'arrive à lui faire parvenir un premier e-mail… pas de
réponse mais je sais qu'il est en bonne santé. Il a
maintenant 24 ans et effectue un stage dans un magnifique
hôtel du groupe Accor. Je lui fais remarquer que pour la
communication et certaines valeurs humaines il a encore a
apprendre car il ne donne plus signe de vie depuis de longs
mois. Et là, même si dans un premier temps mon ami
Sénégalais m'avait conseillé de reprendre contact avec
mon fils, tout devient explosif, comme un volcan qui se
réveille ; par un deuxième e-mail nous vidons
maladroitement nos sacs et à l'heure où j'écris ces lignes
151
nos relations père –fils sont détruites. Jamais cela serait
arrivé dans un contexte Africain.
Je branche la télé pour me changer les idées, et là
j'apprends que le pilote moto Italien MEONI vient de se
tuer sur le DAKAR. Même Gérard Holtz est choqué. Le
rallye est une grande famille … Parcequ'ils sont en
Afrique. Ils (nous) avons perdu une grosse pointure, mais
la beauté des paysages, l'acceuil des gens sur le bord des
pistes, le rêve, tout cela a un prix. Fabricio MEONI,
amoureux également de l'Afrique et du désert, paix à ton
âme… Tu es mort en pratiquant tes passions ; la moto et
l'Afrique. Si tu n'avais pas une famille, deux enfants, et 47
ans, je serais tenté de dire ; "quelle belle mort"…
Et chaque jour, je suis ce rallye, pour le sport, mais surtout
pour les images d'Afrique qu'il nous permet de voir, en
plein hiver, ici, en France. Lorsque l'émission se termine,
je m'allonge sur mon lit, les yeux fermés, et pleins de
souvenirs me reviennent… dans le désordre…
De 1983 à 2005… de ma première visite dans le marché
de Pointe-Noire à mon expédition dans le sous-sol du
marché Sandaga dans le centre de Dakar, avec trois
bandits qui m'ont "tapé" 15000 francs cfa pour acheter du
riz pour le baptême d'un enfant, avant de me
raccompagner dans la rue et d'arrêter un taxi. Je revois
mon vieux saviem TP 4 au Congo, dont le réservoir était
vide vers midi, et ce jeune pompiste qui m'a aimablement
dit : " c'est fermé , c'est ouvert a quatorze heures…".
Alors, après deux heures d'attente en pleine chaleur, à
quatorze heures il m'annonca qu'il n'y avait plus de gazoil
dans la cuve ! Ma patience d'Européen ayant une limite, il
me fit remarquer que je n'avais pas demandé s'il y avait du
gazoil, mais seulement à quelle heure il ouvrait… Le
passage sur un "pont" avec le saviem, pont fabriqué avec
deux arbres… et quelques planches! A chaque page de la
152
revue "Jeune Afrique", je retrouve un lieu ou une
personne, ou une situation que j'ai connu. Et là, je réalise
que je suis riche. Riche en souvenirs de toutes sortes. Et au
fond de moi même, je me dis que ceux qui me critiquent
en parlant le plus souvent derrière mon dos, le plus
souvent par rapport à ma situation financière, ne savent
pas ce que j'ai vécu et à côté de quoi ils sont passé. Une
phrase de mon fils, par e-mail, qui m'a fait très mal, car lui
aussi a attrapé le virus des voyages, est : " tu as chier ta
vie…" Pas tant que ça, gamin ! Avant de juger les autres,
et notamment ton père, tu as encore beaucoup de choses à
apprendre! Nous n'avons pas tous la fibre humanitaire et
aventurière, mais apprécier la beauté de la nature, des
animaux, l'amour et la dignité des pauvres, tout cela nous
pouvons le cultiver intérieurement. Tu vois, le vieux petit
chien de Pat, quand il me voit, il me comprends. Ne ris
pas: il me fait la fête alors qu'il a mordu au visage
quelqu'un qu'il connaissait. Les Africains également
comprennent que je les aime et que je suis avec eux non
pour les exploiter mais pour partager leur vie.
Combien de fois me suis je demandé, lors d'un voyage
pénible, le plus souvent avec le mal de mer ou de l'air, ce
que je faisais ici ? La même question que lorsque j'étais à
l'embarquement d'un petit avion en France avec un
parachute sur le dos. A peine au sol, je ne pensais qu'à
remonter dans l'avion le week-end suivant. L'Afrique, tu
vois, c'est la même chose. Quand tu es malade, épuisé, tu
pense à rentrer au pays, à prendre de la distance avec
l'endroit où tu as souffert. Mais dès que ton corps va
mieux, tu penses à repartir car ton esprit est ailleurs, il n'a
pas suivi. Je sais que les années comptent double pour un
toubab en Afrique; c'est pour cela que je dois y retourner
rapidement, pendant que mon physique me le permet. Je
me sent inutile en France, mais si je réagis avec la
153
phylosophie africaine, alors je dois accepter cette situation
pour un avenir meilleur. Je pense souvent à tous ces gens
qui vivent avec rien. Un outil, et ils ont un métier… Ils
vont devenir plus compétents que les toubabs qui
fabriquent presque tout par l'assistance d'un ordinateur au
détriment du véritable artisanat fait main. Et plus
courageux. Au risque de me faire traiter de mysogine, je
pense notamment aux femmes : pour avoir de l'eau ou
cuisiner, elle marche des kilomètres en portant des charges
incroyables sur la tête, le plus souvent avec un enfant dans
le dos. J'ai survolé une émission télévisée hier soir, par
curiosité et déformation professionnelle, qui montrait le
peu d'intérêt pour la cuisine de certaines mères de familles
françaises… Jusqu'à 3 fois par semaine dans des fastfoods!
A quatre personnes, j'ai fait un calcul approximatif, cela
représente environ 600 000 francs cfa de restaurant par
mois, soit 20 mois de travail au smig dans un certain
nombre de pays africains… Ce calcul ridicule, c'est pour
moi une manière de dire à mes compatriotes d'arrêter de
seplaindre et de faire grève pour des broutilles… D'autres
ont faim et ne se plaignent pas.
Si je suis agréablement surpris de la solidarité vis à vis de
l'Asie après le tsunami de décembre 2004, solidarité
normale et déclenchée par les médias, je suis
profondément choqué, ainsi que d'autres personnes, que
l'on oublie les nombreux pays pauvres d'Afrique et
d'ailleurs. Une preuve, la Somalie a déplorée également
des morts suite à cette vague géante, et je n'ai pas eu
connaissance de fonds et d'aide humanitaire à destination
de ce pays. Le malheur des uns faisant le "bonheur" des
autres, je pense que le tourisme de masse hivernal va se
déplacer en direction de l'Afrique durant quelques années,
en attendant que l'Asie du sud-est se reconstruise et que les
154
esprits choqués des chasseurs de "tout-compris en 4 étoiles
avec vue sur la plage" se calment. Le problème ne sera que
déplacé…
L'année 2005 va-t-elle être celle des changements et du
retour au "pays" ? J'ai fait une demande à la caisse
primaire d'assurance maladie afin d'étudier l'état de ma
carcasse. Le médecin conseil a constaté que je n'étais plus
tout neuf et mon médecin habituel a donné un avis
favorable pour une pension d'invalidité… Elle serait bien
mince, mais en Afrique on vit avec peu. Déjà février et je
suis en attente de l'avis définitif avant d'entreprendre le
dossier qui , s'il se réalise, devrait demander deux à trois
mois de mise en route. Et ensuite, direction l'Afrique pour
toujours…
Nico vient de partir en Casamance avec sa famille pour
deux semaines. Il doit regarder pour me trouver un
logement correct a prix raisonnable dans sa région natale,
la Basse Casamance, à OUSSOUYE.
Le moral revient ; je ne cherche plus de travail en France,
persuadé que cette démarche devrait avoir une suite
favorable. De toute manière,le marché de l'emploi ne s'est
pas amélioré depuis l'année dernière, et moi, sauf erreur,
j'ai encore vieilli ! Je dois patienter et les jours qui passent
me semblent long. Alors j'anticipe et prépare mes bagages!
Trois mois à l'avance ! ! !
La cinquantaine commence à peser sur ma santé et mon
dynamisme…
Comme dab, les jours passent trop lentement … Je tourne
en rond et téléphone presque chaque jour pour avoir des
nouvelles de mon dossier d'invalidité. Et vers le 23 février,
155
BINGO !!! La sécu a reconnu que j'étais foutu pour
travailler dans ce monde de stressés et a décidé que je serai
pensionné en catégorie 2 ! C'est à dire jusqu'à la retraite.
Reste maintenant à monter le dossier et préparer mon
départ. Le moral revient, l'hiver et ses quelques flocons de
neige ne me font pas peur et mon sac est très vite préparé !
Je ne peux fixer la date du départ car je dois attendre que
mon dossier soit totalement en place.
Nicolas rentre enchanté de son court séjour en Casamance:
je suis impatient d'avoir des nouvelles.Il a regardé pour un
logement pour moi et les tarifs sont tout à fait
raisonnables. J'hésite entre Ziguinchor et Oussouye, mais
ma décision est rapide : je ne vais pas en Afrique pour
vivre en grande ville, même à 70 kilomètres de la mer.
J'irai donc dans la région de Basse Casamance, entre
"ZIG" et le "CAP".
Durant plusieurs jours, je prépare et m'informe sur mon
prochain voyage. Les journées me paraissent moins
longues, mais les soirées sont difficiles : je ne trouve pas le
sommeil, pensant déjà à "là-bas"!
Je vais enfin pouvoir m'installer de manière permanente en
gérant un petit budget, certes, avec des premiers mois
difficiles car il va falloir amortir le voyage. Mais quel
bonheur de me retrouver au Sénégal… J'ai déjà plein
d'idées pour des petits business afin de m'occuper.
L'important maintenant, c'est de savoir combien je vais
avoir de pension car j'ai des dettes à la banque en France et
conserve des assurances. Etant donné mon cursus, j'ai mis
deux jours pour faire un relevé de carrière que je dois
fournir à la sécu, mais c'était du pur bonheur… Plus
besoin de lire les petites annonces, d'aller à reculons à
l'ANPE, de rencontrer parfois des trouducs qui tournent
autour du pôt avant de m' engager pour deux mois en
156
faisant croire qu'ils me font une fleur, étant donné mon âge
!
Je dois sincèrement remercier mon médecin qui a appuyé
ma démarche ; Je ne lui enverrai pas de chocolats, mais
une carte postale, certainement ! Bien que cela soit son
job, il a compris ma situation et m'a soutenu dans ces
moments de déprime, parfois difficiles. Je suis mauvais
vendeur, je n'ai jamais su me vendre, mais j'ai souvent pu
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 12:06 pm

faire passer mon message d'amour pour l'Afrique à des
gens que j'ai fait rêver en leur apportant des souvenirs avec
des odeurs, des bruits, des spectacles…
Dans quelques mois, j'aurai un logement, des amis, peut
être une fiancée, un perroquet, un chien…un jardin, un
potager… J'aurai de nouveau la pêche et la joie de vivre.
Et si les premiers jours seront difficiles avant d'être
m'installé, ce n'est pas grave : je serai dans la région natale
de Nico, avec ses amis, et le soleil d'Afrique !
AVRIL 2005: Le dossier de pension n'est toujours pas
bouclé : je ne sais pas combien j'aurai pour vivre chaque
mois. L'hiver est terminé, les pâquerettes sont sorties et le
soleil printanier a fait son apparition. Et pourtant, le moral
n'est pas revenu… Prêt à partir, à repartir, sac plein à
craquer, vaccins à jour, j'ai surfé des heures sur le web
pour obtenir et comparer un maximum d'infos sur le
Sénégal, la Casamance, les voyages, … Je n'ai plus un
rond et la santé me pose problèmes. J'ai du faire quelques
travaux honéreux surma voiture. Le plus difficile à vivre
pour moi actuellement, est ma santé qui se dégrade chaque
157
jour : infection dentaire, lombalgie aigue chronique,
problèmes digestifs, rien n'est grave mais l'ensemble me
fatigue et je me traîne, incapable de soulever mon sac de
voyage… Merde ! J'attends cette année depuis longtemps,
et si prés du but, si prés de réaliser un objectif, la raison va
devoir l'emporter sur la passion… Ce 1er avril me semble
être une mauvaise farce ! Je ne vais pas baisser les bras :
j'enlève une majeure partie des vêtements dans mon sac : 2
ème essai : pas de force. Douleurs aigues !!! Les lombaires
font la gueule grave, le nerf sciatique se révolte : non
mais ! J'en parle à Richard, l'Anglais, Nico, le Sénégalais,
Philippe, le dragueur, Roger, l'imprimeur, Christèle, la
flicquette, Pierre, Pol, Jacques : tous me disent d'oublier
l'aventure… Vais je pouvoir ? Mon corps me fait payer
des années de sports, de voyages, de boulot.
Défaire un sac de voyage non utilisé est une épreuve pire
que toutes : J'ai l'impression profonde que la vie s'arrête,
que je vais attendre, mais quoi ? Sans rêve, sans but,
pourquoi vais je me lever chaque matin ?
Devant moi défilent la moustiquaire, les antipaludéens, la
crème antimoustic, l'aspivenin…Tous les trucs sympa qu'il
est préférable de ne pas utiliser mais qui sont synonimes
de voyage "chaud" !
Si je ne rebondis pas,je vais couler… Je le sais. Ma
deuxième passion, la moto, ne peut pas m'aider plus que la
première a continuer mon chemin. Alors je me dis que
l'hivernage approche en Afrique, avec ses pluies et ses
moustiques, et que je me donne six mois pour relever les
finances et la santé…Peut être que vers la fin de l'année je
pourrais partir "pour quelques temps"…
Il va falloir faire des nouvelles connaissancesen France
pour me motiver en les faisant rêver, durant l'été, devant le
158
soleil couchant de la Charente maritime et ses pins : Après
quelques verres de rosé, les pins deviendront des cocotiers,
le soleil sera plus grand et plus rouge, et l'odeur du
barbecue sera celle des braseros dans un village
Africain… Le sable sera chaud, et la musique provenant
de mes cassettes africaines donnera l'ambiance. Avec ma
chemise sénégalaise, bronzé, je raconterai des souvenirs de
là-bas en attendant l'avion. Eux, iront se coucher après une
bonne soirée, moi après un beau voyage…

**************************************************

et à partir de là, j'ai découvert internet, les appareils photos numériques et une vie décousue... cause santé et plus envie de rester en France alors que les opportunités diminuaient.
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Re: Encore moa...

Message par gelenes » mar. juin 17, 2014 12:15 pm

j'ai quelques photos avec moi, pas toutes, notamment pas celles de la plateforme Elf au CONGO, que je vais intercaler dans le texte que je n'ai pas relu : je ne veux rien modifier, ce sont des souvenirs intacts... que seuls quelques amis ont lu, deux ou trois éditeurs, et qui sont imprimés dans une malle chez moi ; ma vie a changé, le gamin ne me voit plus depuis longtemps ( 2002 !), et comme disait Coluche, la vie s'arrête quand tu ne surprends plus personne !
alors j'ai encore voyagé récemment : Casamance (2) Mali, Burkina faso ( 2) Thalande et Cambodge où je pose mon sac. Usé... et prudent par obligation. J'ai fait marché le commerce, donc plus un rond pour l'instant , ni de couverture sociale avec l'isolement linguistique et social. Ca devrait rebondir dans quelques années... mais faudrzait pas trop tarder ! des petits crédits à rembourser...

J'ai du remercier des gens qui m'ont fait confiance, souvent des inconnus... ma banque...encore maintenant même si ça coince un peu parfois ...flux tendu on appelle ça ! et bien que je ne sois pas pressé, je me dis que ma vie a été celle que j'ai bien voulu me faire, riche en rencontres, souvenirs, et comme l'a dit le général Bernard D'astorg, un sacré bonhomme pour qui j'ai travaillé un an et qui a voulu me garder, " il vaut mieux avoir peu de principes mais y être fidèle "...

Alors je suis resté célibataire*, fidèle au monde moto, et comme les scouts ...toujours prêt ...même au loin !









* façon de parler :mrgreen:
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